Economie

Au terme de huit mois de conflit, Veolia absorbe Suez, son principal concurrent

Le géant mondial du traitement de l’eau et des déchets Suez a finalement cédé aux avances de son principal concurrent Veolia. Cette prise de contrôle a été saluée par le ministre de l’Economie, mais inquiète les syndicats.

Le groupe Veolia rachètera une large partie des activités de Suez à l'international pour peser, au total, 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires. En parallèle, le futur Suez, largement réduit à ses activités en France, sera repris par des actionnaires majoritairement français et fera moins de la moitié de la taille du groupe actuel, soit de l'ordre de 7 milliards de revenus sur les 17 milliards enregistrés en 2020.

Pour emporter la fusion après huit mois d’affrontements entre les dirigeants des deux entreprises, Veolia a dû relever à 20,50 euros par action Suez son offre de 18 euros, jugée insuffisant par son rival qui exigeait 22,50 euros par titre. Le prix finalement retenu valorise l'ensemble de Suez à environ 13 milliards d'euros.

Selon une source proche du dossier, le fonds Meridiam ainsi que le duo composé par les fonds Ardian et GIP, qui soutenaient respectivement les initiatives de Veolia et de Suez, en détiendront chacun 40%. Le solde devrait être aux mains de la Caisse des dépôts et des salariés. Meridiam avait déjà annoncé être prêt à apporter également ses activités de traitement des déchets en Europe, soit l'équivalent d'un million de tonnes. Enfin, l'accord prévoit quatre ans de maintien de l'emploi et des acquis sociaux dans le nouveau Suez.

«Toutes les parties prenantes des deux groupes sortent [...] gagnantes. Le temps de l'affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence», s'est réjoui le PDG de Veolia Antoine Frérot, dans un communiqué. «Nous avions appelé de nos vœux une solution négociée depuis de longues semaines et nous avons aujourd'hui trouvé un accord de principe qui reconnaît la valeur de Suez», a souligné le président de Suez Philippe Varin.

Un accord dénoncé par certains syndicats 

Le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire s'est réjoui le jour-même d'un «accord à l'amiable» qui, selon lui «préserve la concurrence au service des clients entre deux grandes entreprises industrielles nationales [...] garantit leur bon développement sur les marchés nationaux et internationaux [et] préserve l'emploi».

En revanche, Arnaud Montebourg, prédécesseur à Bercy de l’actuel président de la République Emmanuel Macron, a dénoncé sur Twitter «la destruction d’un fleuron national de plus. Après Alstom, Technip, Alcatel, Lafarge, voici la fin de Suez, livrée comme une bête traquée aux prédateurs financiers et aux proches financeurs du pouvoir». 

Thomas Portes, le porte-parole de Génération.s, le mouvement de l’ancien vainqueur de la primaire socialiste Benoit Hamon, a pour sa part déploré sur Twitter «une fusion au goût amer pour les usagers et les salariés»  et estimé que 4 000 emplois étaient menacés. Il voit aussi dans cette opération financière «un cadeau de la macronie à Antoine Frérot qui a fait partie des donateurs pour la campagne d'Emmanuel Macron».

Alstom, Technip, Alcatel-Lucent, Lafarge et aujourd’hui Suez. Un homme fait le lien avec toutes ces destructions de fleurons industriels français. On vous laisse trouver son nom.

Côté syndical, le secrétaire CGT du comité d'entreprise européen de Suez, Franck Reinhold von Essen, a exprimé lundi auprès de l'AFP un «réel sentiment de trahison», estimant que «les moyens de négocier autre chose existaient».

«Nous serons vigilants à ce que les collègues de Suez aient une garantie pour l'emploi et à ce qu'il n'y ait pas de suppressions de postes au siège. On s'interroge sur l'endettement du groupe et comment il va pouvoir l'absorber au vu du prix de l'action qui a monté ce week-end», a relevé chez Veolia le délégué Force ouvrière Alain Bonnet cité par l’AFP.

Enfin, l’intersyndicale de Suez s’est montrée particulièrement remontée contre l’opération dans laquelle elle voit la main d’un homme qu’elle ne cite pas mais qui semble être le président de la République en écrivant : «Alstom, Technip, Alcatel-Lucent, Lafarge et aujourd’hui Suez. Un homme fait le lien avec toutes ces destructions de fleurons industriels français. On vous laisse trouver son nom. C’est facile ... »