Economie

Paris oppose un refus «clair et définitif» au rachat de Carrefour par le Canadien Couche-Tard

Au nom de la sécurité alimentaire des Français, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a exprimé son opposition à un rachat de Carrefour par le groupe canadien Couche-Tard. Celui-ci comptait investir 16 millards d'euros dans le géant français.

Le gouvernement français oppose un refus «clair et définitif» au rapprochement entre les groupes de distribution français Carrefour et canadien Couche-Tard, a affirmé ce 15 janvier le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire. 

Couche-Tard a «récemment soumis à Carrefour une lettre d'intention non-engageante en vue d'un rapprochement amical», sur la base d'un prix de 20 euros par action qui valoriserait le distributeur français à plus de 16 milliards d'euros hors dette, annonçait un communiqué du groupe canadien publié le 13 janvier.

«Ma position, c'est un non courtois, mais clair et définitif», a insisté le ministre lors d'un entretien aux médias BFMTV et RMC, après avoir fait savoir le 13 janvier qu'il n'était «a priori pas favorable» à une telle opération, au nom de la «sécurité alimentaire» des Français.

«Cette crise sanitaire nous a appris une chose : c'est que la sécurité alimentaire n'a pas de prix», a défendu Bruno Le Maire, évoquant le rôle de la grande distribution pendant le premier confinement pour assurer l'approvisionnement des Français. «La sécurité alimentaire est stratégique pour notre pays et donc on ne cède pas l'un des grands distributeurs français», a-t-il encore affirmé, ajoutant que «Carrefour est le premier employeur privé de France avec près de 100 000 salariés» et que le groupe «représente près de 20% de la distribution alimentaire dans notre pays».

Réglementation resserrée sur les investissements étrangers

Pour s'opposer à ce rachat, le gouvernement peut s'appuyer sur la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers qui lui permet de bloquer des opérations de rachat dans l'industrie agro-alimentaire. «Nous avons l'instrument juridique à notre disposition, je préfère ne pas avoir à l'employer», mais le ministère de l'Economie l'actionnera «s'il le faut», a fait valoir Bruno Le Maire.

Depuis janvier 2020, le gouvernement peut bloquer une acquisition lorsque l'investisseur étranger envisage d'acquérir au moins 25% du capital d'une société française. Avant cette date, le seuil était fixé à 33,33%. En avril dernier, ce seuil a même été abaissé à 10%, d'abord jusqu'à fin 2020, puis jusqu'en décembre 2021, du fait de la crise sanitaire. Et cela pour «éviter que des entreprises dont la valorisation serait fragilisée fassent l'objet de rachat à vil prix», explique à l'AFP Vincent Brenot, avocat associé au cabinet August & Debouzy.

Ce droit de blocage ne concerne toutefois que certains secteurs jugés stratégiques. D'abord limité aux domaines de la défense ou de la sécurité, il a été progressivement étendu depuis 2014 à l'énergie, aux transports, aux télécoms ou à la santé, puis plus récemment à l'aérospatiale, la presse d'information générale, la sécurité alimentaire ou les technologies quantiques.