«Deux ans plus tard, le constat d’échec est sans appel», écrit à propos de la loi dite «Egalim» un collectif de 28 associations et syndicats, en tête de son Bilan sur les Etats généraux de l’Alimentation, paru le 3 novembre.
Pour ce regroupement qui va d’Attac à l’UFC-Que Choisir, en passant par Greenpeace et la Confédération paysanne : «Aucune des ambitions et bonnes intentions déclarées en grandes pompes ou sous forme législative n'ont été suivies d'effet.»
«Là où les réformes engagées devaient permettre de revaloriser le revenu paysan, celui-ci a continué à se dégrader au profit de l'agroindustrie. Là où des objectifs intéressants étaient fixés pour la restauration collective [notamment d'au moins 20% de bio en 2022], ils paraissent aujourd'hui hors d'atteinte tant les collectivités sont laissées livrées à elles-mêmes», écrivent les auteurs du rapport.
Ils déplorent encore, «là où [ils attendaient] des amorces de transition, de nouveaux reculs comme sur les néonicotinoïdes». Plus globalement, les organisations reprochent à l'exécutif «l'abandon des principales ambitions du quinquennat pour la transition écologique et sociale du système agroalimentaire» et lui demandent «de corriger le tir d'urgence».
Espoir déçu de revalorisation du revenu agricole
Suscitant l’espoir d’une revalorisation du revenu des agriculteurs français, la Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a été promulguée le 1er novembre 2018.
Elle devait à la fois favoriser une meilleure alimentation et une amélioration de la rémunération des agriculteurs avec des mesures phares comme l’encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte (SRP).
Il n'est plus possible qu'en France un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par mois
Un an auparavant, en octobre 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, en avait expliqué les motifs et les ambitions lors d’un discours prononcé à Rungis dans le cadre des Etats généraux en déclarant : «Il n'est plus possible qu'en France, un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par mois. [...] Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix, qui doit pouvoir partir des coûts de production.»
Pour le Sénat, «le compte n'y est pas»
Or un plus tard à peine, la commission de suivi de cette loi au Sénat tirait déjà la sonnette d’alarme en écrivant «Le compte n’y est pas», et affirmait : « Les agriculteurs n’ont pas, pour l’instant, et de l’accord unanime des acteurs, ressenti un quelconque effet de la loi.»
Ils constataient même des effets pervers de certains dispositifs comme le relèvement de 10% SRP qui avait conduit dans certains cas, les centrales d’achat de la grande distribution à faire pression sur les prix d’achat à la baisse pour rester dans les limites de la loi.
Le Sénat constatait aussi que l’adoption des mesures commerciales de la loi Egalim avait abouti à un paradoxe : «Ce sont les PME et ETI qui pâtissent majoritairement de la loi, alors que ce sont les entreprises des territoires les plus proches des agriculteurs français.»
Les rapporteurs de la chambre haute du Parlement rappelaient que l’étude d’impact de la loi Egalim affirmait que le relèvement du SRP visait à renforcer l’équilibre général de la négociation au profit des entreprises de taille petite ou moyenne, pour conclure : «De ce point de vue, la loi Egalim a pour l’instant été un échec.»