«Nous continuons à avoir une relation commerciale et d'investissement déséquilibrée. Nous n'avons pas réalisé les progrès que nous souhaitions dans la déclaration du sommet de l'année dernière pour surmonter les obstacles à l'accès aux marchés [chinois]», a déclaré Ursula von der Leyen lors de la conférence de presse qui a suivi le 22e sommet entre l’Union européenne et la Chine.
Cette réunion sino-européenne qui s’est tenue le 22 juin par visioconférence dans un format réduit était la première pour la nouvelle commission qui a pris ses fonctions à l’hiver 2019. Elle a réuni le chef de l’exécutif européen Ursula von der Leyen et le président du Conseil Charles Michel d’un côté, le président Xi Jinping et le Premier ministre Li Keqiang de l’autre.
La présidente a immédiatement montré ses priorités : réduire le déficit commercial de l’Union européenne dans ses échanges de biens (164 milliards d’euros) et parvenir d’ici la fin de l’année à signer l’accord sur les investissements en négociation depuis 2014.
Ursula von der Leyen a même laissé entendre que sans cet accord l’ensemble du programme de coopération, souvent appelé agenda Chine-UE 2020-2025, serait menacé. L’UE veut que ce document encadre de façon plus précise et contraignante la question des aides d’Etat, la protection de la propriété intellectuelle dans le cas des transferts de technologie, ainsi que les conditions d’une concurrence non-faussée. Sur ce dernier point le chef de l’exécutif européen a employé la formule «level playing field» désormais consacrée dans les négociations post-brexit avec le Royaume-Uni pour parvenir à l'accord sur leur relation future.
Visible irritation de la président de la Commission européenne
L’irritation de la nouvelle présidente de la Commission européenne semblait visible pendant la conférence de presse qui a suivi ce sommet virtuel. Reuters rapporte par ailleurs les propos de «diplomates européens» selon lesquels l’annulation par l’Allemagne du sommet Chine-UE, à Leipzig en septembre, a été en réalité été motivée non par la crise sanitaire mais par l’absence de progrès dans les négociations de l’accord sur les investissements.
Ursula von der Leyen a également adopté une position offensive à propos de Hong Kong. Elle a évoqué «des conséquences très négatives» si Pékin persistait à imposer à sa région administrative spéciale la controversée Loi de sécurité nationale. La Chine est le premier partenaire commercial de l’UE, vers laquelle elle a exporté en 2019, pour 362 milliards d’euros de marchandises, en important pour 198 milliards d’euros. Les échanges de services ont atteint 76 milliards d’euros avec, cette fois, un léger excédent pour l’Union européenne.
L'approche de l'UE à l'égard de la Chine a été définie dans un document conjoint de la Commission et du haut représentant pour la politique extérieure et la sécurité adopté en 2016 et mis à jour en 2019. Il note de rapides et importantes évolutions de cette relation au cours des dernières années et présente désormais Pékin à la fois comme «un partenaire de coopération, un partenaire de négociation, un concurrent économique et un rival systémique».
La Chine a abordé ce sommet dans un état d’esprit très différent et a semblé plus à la recherche de bénéfices politiques dans sa compétition globale avec les Etats-Unis, que les hauts responsables n’ont pas cités dans des déclarations pourtant limpides. «Il n'y a pas de conflit d'intérêts fondamentaux entre la Chine et l'Europe. La coopération est meilleure que la concurrence, et le consensus est bien plus important que le désaccord », a déclaré le président chinois Xi Jinping cité par Le Quotidien du peuple, organe officiel du Parti communiste chinois depuis 1948.
Les deux moteurs de l'économie mondiale
Le président chinois a aussi estimé que les économies chinoises et européennes «[devaient] jouer le rôle des deux moteurs de l'économie mondiale, promouvoir le redressement de l'économie mondiale, soutenir conjointement une reprise scientifique et ordonnée du travail et de la production, renforcer la coordination de la politique macroéconomique, et maintenir la stabilité et la fluidité des chaînes industrielles et d'approvisionnement».
Peu avant ce premier sommet virtuel, Zhang Ming, chef de la mission diplomatique chinoise auprès de l'UE, avait expliqué à l’agence de presse chinoise Xinhua que ce 22e sommet serait une importante occasion de discuter des moyens à la disposition des deux parties pour rendre leurs relations bilatérales «plus productives et plus substantielles après la pandémie».
Nervosité à Washington
Ce sommet était observé avec attention depuis Washington et une semaine auparavant, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo avait manifesté sa nervosité à propos de la relation Chine-UE lors d’une visioconférence «sur la démocratie» intitulée «L'Europe face au défi chinois». Son principal interlocuteur, toutefois, n'était pas un membre de l'exécutif bruxellois mais le Danois Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l’Otan.
Lors de cet entretien, le secrétaire d’Etat américain a expliqué qu’il avait pris conscience que ses partenaires européens redoutaient d’avoir à choisir entre la Chine et les Etats-Unis ce qui n’est selon lui «pas le cas». «C’est le parti communiste chinois qui force ce choix. Le choix n’est pas entre les Etats-Unis [et la Chine] ; c’est entre la liberté et la tyrannie», a-t-il précisé.
Mais Mike Pompeo n’a pas évoqué les points de désaccords très forts entre les Etats-Unis et l’UE comme le retrait unilatéral de Washington de l'accord de Paris sur le changement climatique, ou de celui sur le nucléaire iranien. Quelques jours plus tard les Etats-Unis quittaient également la table des négociations sur une juste taxation des grandes entreprises du numérique, menées sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et fin mai, Donald Trump avait aussi annoncé qu'il claquait la pore de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ivan Lapchine
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