Dans l’allocution télévisée prononcée dimanche 14 juin au soir par le président de la République Emmanuel Macron, une phrase a suscité une certaine perplexité, de nombreux commentaires et une levée de boucliers des syndicats : «La seule réponse est […] de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres.»
Des propos qui pourraient rappeler ceux du président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux rapportés par le 10 avril dans Le Figaro : «Il faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire.»
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT a été l'un des premiers à réagir en déclarant sur RTL, le lendemain de l'allocution présidentielle : «S'il s'agit de faire travailler plus les personnes déjà en emploi, c'est inepte».
Yves Verier, secrétaire général du syndicat Force ouvrière, a de son côté déclaré, sur la chaîne Public Sénat : «Si c'est pour nous dire que ceux qui ont du boulot, on va leur demander de se retrousser les manches, comme on l’entendait pendant la période du confinement, aller au-delà des 35h, au-delà même des 48h, […] si c'est rogner sur les jours de congés, les jours de repos, ouvrir le dimanche […] Nous ne serons pas d’accord.»
La veille, sur RTL, Yves Verier avait aussi évoqué la question des salaires en déclarant : «A cette question du travail, j'associe celle du salaire. Il ne faut pas revenir à l'antienne des dix, vingt dernières années, que le salaire est l'ennemi de l'emploi [...] Il ne faut pas que l'Etat orchestre une musique de baisse de salaires.»
Bien que la question des salaires n’ait pas été abordée par le président de la République, elle l’avait été par la ministre du Travail le 31 mai sur la chaîne LCI. Muriel Pénicaud avait alors appelé les entreprises à «négocier des accords de performance collective».
Ces derniers, prévus par les ordonnances de la loi travail 2, aussi appelées «ordonnances Pénicaud», permettent par exemple de réduire la rémunération des salariés en «aménageant» la durée de leur temps de travail.
Ça veut dire travailler tous, [...] ça veut dire qu'il faut que le plus grand nombre de Français puissent trouver un travail
Le Maire et Darmanin en ordre dispersé
A propos de l'idée de «travailler davantage», le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a proposé sa version dès le 15 juin sur France Info : «Ça veut dire travailler tous, [...] ça veut dire qu'il faut que le plus grand nombre de Français puissent trouver un travail.»
Interrogé sur l'éventualité de demander aux Français de renoncer à des jours de congés, le ministre de l'Economie a répondu : «Non, je ne crois pas du tout que ce soit ce qu'a dit le président de la République. [...]. La lecture est très simple : il faut que nous travaillions tous.»
Sur BFMTV, Gérald Darmanin a apporté des réponses différentes en recommandant que «chaque entreprise décide avec ses salariés», n’excluant ni réduction, ni augmentation du temps de travail et expliquant : «On peut moins travailler dans une entreprise quand il y a moins de commandes […] ou plus travailler quand il y a plus de commandes.»
En moyenne hebdomadaire, les Français travaillent 36,3 heures, ce qui est un peu moins que les Britanniques et les Espagnols (36,8 et 36,4 heures), mais nettement plus que les Allemands et les Néerlandais (34,8 et 30 heures). En revanche, le taux d’emploi est nettement inférieur à la moyenne européenne. Il était en 2019, selon les calculs de l’OCDE de 71,8% contre 75,4% au Portugal, 79,9% en Allemagne, et 82,6% en Suède... où la durée hebdomadaire du temps de travail est inférieure à la moyenne française.
Lire aussi : Augmenter le temps de travail, l'idée de l'Institut Montaigne pour surmonter la récession