Economie

Provokation ! La BCE a multiplié les rachats de dette italienne au nez et à la barbe de Karlsruhe

La Banque centrale européenne est passée outre les juges allemands qui lui reprochaient de financer directement les Etats. Entre avril et mai, elle a froidement racheté 100% de la nouvelle dette émise par l’Italie.

En avril et en mai, la BCE a racheté la totalité des BTP, les bons du trésor italien, via ses différents programmes d’achats d’actifs. L’agence Reuters précise qu’au cours de ces deux derniers mois l’institution de Francfort a acquis pour 51,1 milliards d'euros d'obligations d'Etat italiennes, un montant à comparer à une offre de titres nette (pendant cette période) de 49 milliards selon les calculs des analystes d'UniCredit.

Les statistiques de la BCE montrent aussi que l’institution de Francfort a acheté beaucoup plus d'obligations italiennes que ne le lui permettait la règle de répartition fondée sur la population et le poids économique de chaque pays.

Dans le cadre du Programme d'achats d'urgence pandémique (PEPP) décidé en mars, la BCE et la Banque d'Italie ont acheté pour 37,4 milliards d'euros d'obligations italiennes, soit 21,6% du total des achats d'avril-mai, alors que la part théorique de l'Italie n'est que de 17%. L’écart est encore plus large pour les opérations réalisées dans le cadre du Programme d'achats du secteur public (PSPP) avec 26,5% des achats pour l'Italie et 13,9% seulement pour l'Allemagne selon les calculs de Reuters.

Des pratiques qui pourraient être prises comme une marque de dédain sinon une provocation à l’égard des juges de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe. Le 5 mai, faisant droit à des plaignants allemands, ils avaient, dans un jugement, vivement critiqué la politique monétaire choisie par la BCE et estimé qu’elle outrepassait son mandat.

Ils ont même interdit à la Banque centrale allemande, la Bundesbank, de participer à la politique de rachat d’actifs de Francfort, à moins que l’institution monétaire ne justifie sa politique sous trois mois. Le jugement fut accueilli par de laconiques communiqués de la BCE valant haussement d’épaule. En résumé les rachats d’actifs continueraient aussi longtemps que nécessaire. 

En revanche l'Allemande Ursula van der Leyen, présidente de la Commission européenne, avait pris l'affaire «très au sérieux». Le 10 mai, elle avait même menacé d'ouvrir d'une procédure d'infraction contre l'Allemagne dont la plus haute cour avait ignoré la jurisprudence européenne à propos de la BCE.  

600 milliards de plus, pour l'urgence pandémique

Ce jeudi 4 juin, les marchés italiens étaient suspendus à une décision de politique monétaire de la BCE et on attendait avec ferveur une nouvelle ouverture des vannes de rachat de dettes dans le cadre du programme PEPP de soutien à l’économie européenne pendant la pandémie.

La BCE n’a pas déçu et a annoncé une rallonge au plan d’urgence pandémique de 600 milliards d’euros, le portant à 1 350 milliards d’euros. A cette somme s’ajoutent les 20 milliards par mois de rachats d’actifs habituels (rallonge du QE votée jusqu'à au moins la fin de la fin de l’année). Comme prévu, les trois principaux taux directeurs de la BCE, MRO, prêts à courts termes et facilité de dépôt sont restés inchangés à respectivement 0,00%, 0,25% et -0,50%.