Economie

Nord Stream 2 : la justice de l'UE déboute l'opérateur du projet de gazoduc mené par Gazprom

La deuxième plus haute juridiction de l’Union européenne a refusé la demande de Gazprom qui contestait une directive qui le priverait du contrôle du gazoduc Nord Stream 2 dont il assure le financement. L’opérateur a deux mois pour faire appel

La société Nord Stream 2, opérateur du projet de gazoduc du même nom mené par le géant russe Gazprom, prévoit de contester une décision du Tribunal de l’Union européenne (UE) qui pourrait partiellement la priver de son contrôle sur l'énorme projet de gazoduc sous-marin dont la création a duré des années et dans laquelle Gazprom a investi des milliards de dollars.

Les sociétés exploitant les liaisons gazières entre la Russie et l'Allemagne, Nord Stream AG et Nord Stream 2 AG, avaient déposé une plainte en novembre 2019, demandant l'annulation partielle de la directive 2019/692, adoptée en avril de la même année, modifiant les règles européennes de transport de gaz.

Cette nouvelle directive exige que les règles régissant le marché européen du gaz s'appliquent à tous les pipelines à destination et en provenance de pays tiers, règles en vertu desquelles des sociétés distinctes doivent produire et transporter du gaz naturel. Cette réglementation s’applique donc à Gazprom, qui produit le gaz et prévoit également de le transporter via son gazoduc sous-marin.

Dans sa décision du mercredi 20 mai, la deuxième plus haute juridiction européenne a déclaré que les réclamations des plaignants étaient «irrecevables». Les juges ont en outre expliqué qu'il revenait aux autorités des Etats membres de rendre contraignantes les dispositions de la nouvelle législation et que ces mêmes autorités décidaient de l'octroi de dérogations.

«Discrimination évidente»

«Concernant à la fois Nord Stream 2 AG et Nord Stream AG, le Tribunal constate qu'ils ne sont pas directement concernés par la directive modificative», ont estimé les juges. Nord Stream 2 AG accusait l'UE d'avoir adopté ces nouvelles dispositions dans le but de «désavantager et de décourager le gazoduc Nord Stream 2».

«Une telle discrimination évidente à l'encontre d'un investissement commercial individuel sape également la capacité du marché intérieur de l'UE à attirer des investissements pour faire de la transition énergétique une réalité», a en outre affirmé Matthias Warnig, le PDG de Nord Stream 2 AG.

L'opérateur du projet de gazoduc Nord Stream 2, basé en Suisse, a déclaré aux médias russes qu'il prévoyait de faire appel du jugement. La loi donne à l'entreprise deux mois pour contester la décision.

«Le tribunal n'a pas rejeté notre demande sur le fond, en particulier l’argument selon lequel la modification de la directive sur le gaz constitue une discrimination illégale de Nord Stream 2. Par conséquent, nous maintenons notre demande», affirme-t-il dans un communiqué.

345 milliards de mètres cubes de gaz déjà livrés en Europe

Après des années de défense du projet, l'Allemagne a cédé à la pression de l'UE. La semaine dernière, le régulateur de l'énergie du pays a décidé que Nord Stream 2 n'était pas exempté de la directive modifiée de l'UE sur le gaz. Dans une décision distincte formulée mercredi dernier, le régulateur a déclaré que le gazoduc Nord Stream, déjà en service, avait obtenu une dérogation au même règlement pour 20 ans.

Le projet de gazoduc de Nord Stream 2 associe le géant Gazprom à des entreprises européennes (les allemands Wintershall et Uniper, l'anglo-néerlandais Shell, le français Engie et l'autrichien OMV).

Depuis son lancement en 2011, le premier gazoduc, Nord Stream, a transporté plus de 345 milliards de mètres cubes de gaz naturel en Europe. Nord Stream 2, qui longe son tracé, devrait ajouter 55 milliards de mètres cubes de gaz par an, doublant ainsi sa capacité pour la porter à 110 milliards de mètres cubes par an.