Spécialiste de la réglementation fiscale et financière à travers le monde, l'ONG Tax justice network a publié le 27 avril un rapport pointant l'existence d'un «axe de l'évasion fiscale» au sein de l'Union européenne (UE). L'étude explique ainsi que cumulées, les pertes de certains Etats membres correspondraient, sur les années 2016 et 2017, à «plus de 27 milliards de dollars par an», soit l'équivalent de 25 milliards d'euros.
Avec un total d'environ 6,5 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés perdus sur un an, la France se hisse en tête du classement des perdants fiscaux au sein de l'UE, partageant le podium avec l'Allemagne et l'Italie.
Repris par plusieurs médias d'actualité économique, le rapport pointe le Royaume-Uni, la Suisse, le Luxembourg et les Pays-Bas comme les quatre pays constituant l'«axe de l'évasion fiscale».
Libre circulation des capitaux au sein de l'UE
L'ONG explique notamment le phénomène par le fait que «des entreprises américaines» parviennent à faire circuler leurs capitaux au sein de l'UE de façon à transférer leurs bénéfices dans des pays où les taux d'imposition sont moindres que dans ceux où elles ont généré ces bénéfices. Fait notoire, la pratique découle directement du principe de «libre circulation des capitaux» qui constitue l'une des quatre «libertés fondamentales» sur lesquelles repose le marché unique européen, comme le rappelle le site de la Commission européenne.
«Au lieu de déclarer leurs bénéfices dans les pays où ils ont été générés, les entreprises américaines ont transféré des milliards de bénéfices (115 milliards de dollars en 2017) au Royaume-Uni, en Suisse, au Luxembourg et aux Pays-Bas, où les taux d'imposition des sociétés sont en pratique beaucoup plus faibles, afin de sous-déclarer leurs bénéfices ailleurs dans l'UE et donc de payer des milliards d'impôts en moins», explique Tax justice network dans la présentation de son étude.
Comme le rapporte le magazine Marianne, les grandes entreprises parviennent à effectuer de tels transferts à l'aide de «sociétés boîte à lettres» implantés sur les territoires avantageux fiscalement. «Souvent des filiales de grands groupes [y] disposent uniquement d'une adresse postale», précise Marianne avant de décrire une pratique qui bénéficierait à des sociétés telles que «Starbucks, Nike, Uber, Foot Locker [...] Accor, Décathlon, Renault, Danone ou Publicis».
Décrivant notamment un phénomène de «dumping fiscal» à travers l'exemple de la société Apple, la chaîne YouTube Le Fil d'actu avait, en 2016, consacré une vidéo explicative à ce sujet, pointant précisément «les niches fiscales et dérogations officielles» bénéficiant à certains Etats membres de l'UE, au détriment d'autres.