Economie

Statut de cheminot, dette, rentabilité... ce qui change à la SNCF à compter du 1er janvier

2020 marque l'entrée en vigueur de la réforme de la SNCF, votée en 2018, et perçue par les syndicats comme un premier pas vers la privatisation. Loin d'être anecdotique, elle se traduit notamment par la fin de l'embauche au statut de cheminot.

En plein mouvement social contre la réforme des retraites, le changement de statut de la SNCF passe presque inaperçu. Pourtant, ce 1er janvier 2020 marque un tournant pour la compagnie ferroviaire : la loi «pour un nouveau pacte ferroviaire» votée en 2018, entre en vigueur. A compter du 1er janvier, la SNCF n'est plus un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), mais une société anonyme (SA) à capitaux 100% publics. Bien plus qu'un changement sémantique, c'est en réalité un big bang institutionnel. 

Fin de l'embauche au statut de cheminot

Premier bouleversement majeur, la fin de l'embauche au statut de cheminot, et de facto, des avantages qui y sont liés. Les nouveaux salariés employés par la SNCF en 2020 ne bénéficieront plus de l'«emploi à vie» (qui n'empêche en réalité pas l'employé de perdre son travail, mais qui réduit drastiquement les possibilités de révocation par l'entreprise).

Pour attirer de nouvelles têtes, la compagnie ferroviaire vieille de 80 ans, s'est dite prête à augmenter les salaires des métiers en tension (comme par exemple celui d'électricien), ce qui n'était pas possible avec le statut de cheminot. Mais les négociations avec les syndicats pour définir les contours des nouvelles embauches ont pris beaucoup de retard. Outre les salaires, la formation et la mobilité interne sont au cœur des débats entre la direction et les partenaires sociaux.

Reprise de la dette

Qui dit «nouveau pacte ferroviaire» dit aussi reprise de la dette. «La réforme du système ferroviaire donnera lieu à la reprise par l’Etat de 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau [sur un total de 49,59 milliards d'euros fin 2018], dont 25 milliards d’euros en 2020 et 10 milliards d’euros en 2022», explique le gouvernement dans un communiqué du 26 novembre 2018. Objectif : «assainir substantiellement la structure financière de l’entreprise, conjuguée à l’amélioration des performances opérationnelles de la SNCF», selon le gouvernement.

La reprise de la dette ne sera pas sans conséquences pour l'avenir du rail français. La SNCF sera désormais obligée de respecter un certain ratio d'endettement. A terme, la réforme pourrait entre autres signifier la baisse, voire la fin des investissements dans des lignes à grande vitesse non rentables, mais plébiscitées par les élus locaux pour dynamiser leur territoire. 

Si la logique de rentabilité venait à primer sur celle du service au public, des conséquences pourraient par ailleurs se faire sentir sur la mobilité dans les zones périphériques. Intervenant sur le plateau de RT France ce 1er janvier 2020, Thomas Portes, responsable du collectif Cheminots au PCF, craint ainsi que les usagers figurent parmi les grands perdants de la réforme : «Quand on transforme une société qui était à la base de service public en une société anonyme, l'objectif c'est d'avoir une course au chiffre et à la rentabilité et pas de service aux usagers [...] on va regarder combien ça va coûter avant d'ouvrir une ligne, de faire circuler un train.»

En route vers la privatisation ?

Plus globalement, les syndicats redoutent que cette réforme soit un premier pas vers la privatisation de la SNCF. D'autant qu'en 2018, une note interne publiée par Le Parisien, mettait en avant des ambitions de privatisation de l’entreprise, ainsi que la potentielle suppression de certaines lignes ferroviaires. Du fait de la prépondérance de la notion de rentabilité introduite par la réforme, les syndicats redoutent également une diminution du nombre d'embauches.

Depuis 2018, le gouvernement a tenté de rassurer les partenaires sociaux. Dans un entretien au Monde en juin de cette même année, Edouard Philippe a affirmé que le groupe ferroviaire resterait une entreprise publique, et a promis que cette réforme était «sans ambiguïté».

Prochaine étape pour la SNCF : l'ouverture à la concurrence fin 2020. Les régions qui le souhaitent vont pouvoir choisir une autre compagnie pour exploiter certaines lignes, avant que la mise en concurrence, imposée par une directive européenne, ne devienne obligatoire pour tous les transports publics subventionnés à compter du 25 décembre 2023.

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