Economie

Aéroport de Toulouse-Blagnac : l'actionnaire chinois revend déjà ses parts pour un montant record

Un fiasco pour Emmanuel Macron, qui avait supervisé la privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac ? Le groupe français de BTP Eiffage vient de racheter près de la moitié de la société au chinois Casil, qui réalise une importante plus-value.

C'est une plus-value record. Ce 30 décembre, le chinois Casil a conclu la vente de près de la moitié de l'aéroport de Toulouse-Blagnac au groupe français Eiffage, alors que les deux parties étaient en négociation depuis plusieurs mois. «Eiffage a finalisé ce jour l'acquisition de 49,99% du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac [ATB]», rapporte dans un communiqué le numéro 3 français du BTP. La privatisation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac avait été encouragée à l'époque par Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie.

Selon La Dépêche du Midi, le montant de la transaction annoncée ce 30 décembre est de 507 millions d'euros, soit 199 millions d'euros de plus que les 308 millions d'euros déboursés par Casil en 2015. A cette plus-value, s'ajoutent les 28,79 millions d’euros de dividendes que le consortium a perçus depuis son entrée au capital de l'aéroport Toulouse-Blagnac, d'après le quotidien local.

Cette transaction permet à l’aéroport de Toulouse-Blagnac d'être aujourd'hui valorisé à plus d’un milliard d’euros, contre 615 millions d'euros en 2015.

Conflit d'intérêts ?

Le 11 décembre, l'Autorité de la concurrence, une autorité administrative indépendante chargée de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, a donné son feu vert à ce rachat. 

«L’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence sur ces marchés compte tenu du fait que la quasi-intégralité des marchés passés par ATB sont soumis à une procédure de publicité ou de mise en concurrence encadrée par les dispositions du code de la commande publique, que le groupe Eiffage ne constitue pas un fournisseur important d’ATB et qu’il ne représente, chaque année, qu’une part négligeable dans les achats d’ATB», a-t-elle écrit dans un communiqué.

De son côté, le Collectif contre la privatisation de l'aéroport s'inquiète de l'arrivée de ce nouvel actionnaire. Il estime, dans un communiqué publié sur Facebook, que le groupe Eiffage «n'a aucune expérience en matière de gestion d'aéroport» et constitue «un des plus grands bénéficiaires de marchés publics en France». 

En outre, le collectif en appelle aux pouvoirs publics. «Qu'en disent les collectivités ? En savent-elles plus sur le pacte d'actionnaires et devront-elles continuer à avaler des couleuvres à grandes lampées ? Sans aucune influence sur les décisions environnementales comme les vols de nuit, le cadencement des avions...», s'interroge l'organisation.

Privatisation controversée

La privatisation de 49,9% des parts de l'aéroport toulousain avait fait grand bruit en 2015. Les deux rapports produits sur cette vente, dont un émanant de la Cour des comptes en 2018, avaient relevé plusieurs points litigieux : le peu d'expérience du groupe chinois en matière de gestion aéroportuaire et son manque d'investissement. Le rapport de la Cour des comptes avait révélé des failles dans la procédure d'appel d'offres. Il déplorait le «manque de transparence financière» de Casil Europe, cet acquéreur soulevant selon elle des «inquiétudes». 

Depuis, les déconvenues se sont succédé : malgré une hausse du trafic, les 850 millions annoncés avant la privatisation n'ont pas été investis et la promesse liée à l'ouverture d'une ligne directe Zhengzhou-Toulouse n'a pas été tenue.

Ces dernières années, les nuisances sonores ont également été critiquées. Dernier événement en date, la publication le 20 décembre 2019 d'un communiqué de l'association Pas d'avions à l'hôpital Toulouse Purpan, dénonçant le manque de transparence sur ces nuisances. 

«Un capteur du bruit des avions a été installé le 4 décembre à notre demande
sur le toit de la crèche des enfants du personnel dans l'Hôpital Purpan», écrit l'association. «Après avoir soigneusement évité de répondre et devant notre insistance, le service "Environnement" nous informe qu'il refuse de nous communiquer ces données avant la fin de la campagne de relevé de bruit... en février [...] Le service Environnement d'ATB prend les Toulousains et les
associations pour des imbéciles», conclut-elle. L'aéroport Toulouse-Blagnac n'a pas fini de faire parler de lui.

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