«Les récentes déclarations de hauts responsables allemands selon lesquelles les Etats-Unis sont équivalents au Parti communiste chinois constituent une insulte aux milliers de soldats américains qui contribuent à la sécurité de l'Allemagne», s’est indigné Richard Grenell, l’ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne, dans un communiqué publié lundi 24 novembre par la mission diplomatique de Washington à Berlin.
La veille, dans un débat télévisé sur la première chaîne allemande, le ministre démocrate-chrétien de l’Economie, Peter Altmaier, interrogé sur les risques d’espionnage par le géant des télécommunications chinois Huawei, candidat à l’équipement du pays pour le déploiement de la 5G avait déclaré : «Nous n'avons pas non plus demandé de boycott après l'affaire de la NSA». Une allusion à l’espionnage généralisé des dirigeants européens par les Etats-Unis rendu public en 2013. «Les Etats-Unis demandent également à leurs entreprises de transmettre certaines informations, qui sont nécessaires à la lutte contre le terrorisme», avait ajouté le ministre.
En Allemagne, le parti CDU de la chancelière Angela Merkel a voté le 23 une résolution autorisant l'accès à l'infrastructure 5G à des entreprises «qui respectent de manière vérifiable un catalogue de sécurité clair», sans référence à Huawei.
Le conflit autour de Huawei, considéré comme le leader de la technologie 5G, s'inscrit dans la rivalité technologique et commerciale plus large entre Pékin et Washington. Vivement attaqué pour ses déclarations par le quotidien populaire Bild, Peter Altmaier a répliqué qu'il n'avait «jamais mis sur un pied d'égalité les systèmes politiques chinois et américain».
Le 9 octobre, un rapport du Groupe sur la sécurité des réseaux et système d’informations piloté par la Commission européenne (NIS Group) mettait en garde contre les «menaces posées par des Etats ou des acteurs qu'ils soutiennent» sur la sécurité des futurs réseaux de communication 5G, sans pour autant nommer Huawei. Parmi les principaux industriels de l’équipement en télécommunications, le rapport citait les entreprises dont le siège se trouve en Europe, Nokia et Ericsson, et les acteurs non européens Huawei et ZTE (Chine), Samsung (Corée du Sud) et Cisco (Etats-Unis).
Nervosité de Washington sur la 5G
La technologie 5G, qui doit proposer un débit 100 fois plus rapide que celui des réseaux 4G existants, est présentée comme un bouleversement en matière de télécoms dans le monde avec de nouvelles applications : objets connectés, voitures sans conducteur, automatisation accrue, télémédecine, etc. Un enjeu économique énorme qui suscite la nervosité de Washington technologiquement et industriellement en retard par rapport à la Chine sur la 5G.
La sécurité, en particulier en ce qui concerne l'extension du réseau 5G [...] est une préoccupation très importante pour le gouvernement allemand. Nous définissons donc nos normes nous-même
Les passes d’armes entre l’Allemagne et les Etats-Unis sur la sécurité de l’équipement 5G ne sont pas une nouveauté. En mars, l’ambassadeur des Etats-Unis avait déjà adressé une note au gouvernement allemand sur le sujet. Quelques jours plus tard, à l’occasion d’une rencontre avec le Belge Charles Michel, alors Premier ministre et, désormais, successeur désigné de Donald Tusk à la présidence du Conseil européen, la Chancelière d’Allemagne Angela Merkel avait répliqué publiquement : «La sécurité, en particulier en ce qui concerne l'extension du réseau 5G, mais également ailleurs dans le domaine numérique, est une préoccupation très importante pour le gouvernement allemand. Nous définissons donc nos normes nous-mêmes.» Puis elle avait ajouté : «Nous allons également discuter ces questions avec nos partenaires en Europe, ainsi qu’avec les organismes appropriés aux Etats-Unis.» Autrement dit pas en Allemagne avec un ambassadeur.