Economie

La commissaire à la Concurrence réaffirme son opposition à des champions européens «chouchoutés»

Pas de chance pour Paris et Berlin qui ont, en février, tenté de remettre en cause les règles européennes de la concurrence. Margrethe Vestager, reconduite et renforcée à son poste, persiste et signe.

Dans un entretien accordé au quotidien Belge Le Soir, paru ce lundi 4 novembre, la Commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager a réaffirmé son opposition à la création de champions européens, qui d'après elle risquerait de réduire la concurrence sur le territoire de l’Union européenne.

Selon elle, l’Union européenne ne doit pas contribuer à la constitution de champions industriels «biberonnés et chouchoutés» mais laisser la concurrence stimuler leur création. Pour la commissaire danoise, reconduite à son poste dans la nouvelle commission européenne présidée par l'Allemande Ursula von der Leyen, l’appel à la création de champions industriels européens, notamment dans le numérique, «est une façon de voir les choses très vieille école».

Une réponse implicite aux critiques du tandem franco–allemand qui, dans un manifeste publié le 19 février et signé par les ministres de l’Economie Bruno Le Maire et Peter Altmaier, plaidait au contraire pour un droit de veto des Etats membres aux décisions de la Commission en matière de fusions.

A l’époque, la décision de la Commission contrariant le projet de fusion entre les activités d’Alstom et de Siemens dans la construction ferroviaire avait provoqué la fureur Bruno Le Maire, qui avait jugé les règles de la concurrence en Europe «dépassées».

«L'industrie européenne, ce ne sont pas que des entreprises géantes. C'est un écosystème composé d'entreprises de toutes tailles et c'est l'une des raisons de la résilience de l'économie européenne», a aussi estimé Margrethe Vestager.

La Commissaire est-elle viscéralement opposée à l’apparition de grands groupes de taille mondiale ? Apparemment pas, tant qu'ils ont été «stimulés par la concurrence et non parce qu'ils ont été biberonnés et chouchoutés».

Nous n'avons pas de programme pour créer des champions européens et nous ne devrions pas avoir de programme de ce type

«Nous devons défendre nos entreprises lorsqu'elles font face à des pratiques inéquitables. Mais nous n'avons pas de programme pour créer des champions européens et nous ne devrions pas avoir de programme de ce type», a-t-elle aussi affirmé. Elle a dans la foulée défendu sa position en déclarant : «Le mandat de la Commission européenne est de veiller à ce que le marché serve les consommateurs. Il n'y a pas contradiction entre l'émergence de champions industriels et la protection des consommateurs.»

Bientôt patronne du numérique européen

Dans cet entretien, Margrethe Vestager était aussi interrogée sur la création d'une taxe sur le numérique qu’elle juge possible, mais en laissant le soin de son élaboration à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) «qui a le leadership pour instituer une telle taxe à l'échelle mondiale [et] a commencé à bien avancer, ce qui donne de l'espoir et les premières réactions européennes sont plutôt favorables».

Selon Margrethe Vestager, qui dans la nouvelle Commission ajoutera le secteur du numérique à ses domaines d’intervention : «La phase à venir est celle de la révolution technologique et nous sommes dans une situation bien meilleure car nous disposons d'un marché unique.» «Il y a en Europe autant de start-ups dans le domaine de l'intelligence artificielle qu'aux Etats-Unis. Sur les supercalculateurs, nous sommes en passe de devenir leader en termes de capacité et nos programmes satellitaires Corpernicus et Galileo sont les plus grands producteurs de données», a-t-elle ajouté.

L'objectif sera de «s'assurer que les petites et moyennes entreprises, qui constituent le gros de l'économie européenne, montent à bord du train technologique et [de] leur faciliter l'accès au numérique», a-t-elle conclu.