Economie

Elisabeth Borne s'en prend au PDG d'EDF, accusé de vouloir fixer la politique énergétique du pays

Qui veut la peau de Jean-Bernard Lévy et pourquoi ? Un mois après la sortie de Bruno Le Maire sur EDF «Etat dans l’Etat», la ministre de la Transition écologique rappelle brutalement à son PDG la tutelle du gouvernement.

Jean-Bernard Lévy, président d’EDF est visiblement sur la sellette. En effet, lundi 21 octobre, Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et solidaire, a déclaré sur Europe 1, dans le cadre de ce qui avait tout l’apparence d’une séquence préparée à l’avance : «Ce n’est ni EDF ni son PDG qui fixe la politique énergétique du pays.»

Sonia Mabrouk, journaliste politique intervenant dans la tranche matinale de la radio du groupe Lagardère venait justement de lui demander : «Est-ce que c’est le PDG d’EDF qui fixe désormais la politique énergétique de notre pays ?»

Elle faisait allusion à une interview de Jean-Bernard Lévy publiée en fin de semaine précédente par le quotidien Le Monde dans laquelle le patron d’EDF affirmait seulement : «Il est clair que la France se prépare à construire de nouvelles centrales nucléaires.» A aucun moment le président d’EDF ne donnait l’impression d’imposer ce choix au gouvernement. Au contraire il insistait sur le fait qu’il ne faisait qu’exécuter ses ordres et interrogé sur l’éventuel calendrier de construction de nouveaux réacteurs EPR répondait sans ambiguïté : «La décision de construire de nouvelles centrales nucléaires sera prise lorsque le pouvoir politique en décidera.»

Trois jours avant, Le Monde avait fait sensation en publiant un article intitulé «Nucléaire : comment le gouvernement travaille en catimini à la construction de six nouveaux EPR». Le quotidien y révélait qu’il avait pris connaissance d’une lettre adressée au président d’EDF par le ministre de l’Economie et des Finances et sa collègue de la Transition écologique constituant, selon le quotidien «une feuille de route précise conduisant à la construction de six réacteurs EPR sur les quinze prochaines années».

Une révélation troublante alors que la loi Energie Climat, adoptée par le Parlement cet été, et actuellement étudiée par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une saisine, prévoit d’abaisser la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2035. D’autant plus que dans un dossier de presse paru en novembre 2018 sur la «Stratégie française pour l’énergie et le climat», le ministère de la Transition écologique explique que «cette évolution impliquera l’arrêt de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, dont les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim au printemps 2020».

Report d'Hercule, le projet de «réorganisation» d'EDF

Jean-Bernard Lévy, nommé en 2011 à la tête d’EDF et reconduit dans ses fonction en mai 2019 pose un autre problème : il renâcle à remettre au gouvernement le projet Hercule de «réorganisation» d’EDF qui, pour ce qui en a filtré jusqu’ici, diviserait la société publique en deux entités. D’un côté un EDF bleu, nationalisé, regroupant les activités nucléaires et hydrauliques lourdement endetté et à la charge exclusive de la collectivité et de l’autre un EDF vert, regroupant les énergies renouvelables (hors hydraulique) promises à un fort développement ainsi que le réseau de distribution et de vente aux consommateurs, dont le capital serait ouvert au privé.

Enfin, Jean-Bernard Lévy ne cesse de pester contre le mécanisme de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui oblige EDF à vendre un quart de sa production nucléaire à ses concurrents à un tarif fixe. Dans l’interview au Monde le PDG d'EDF avance que ce système, «qui a été mis en place il y a dix ans pour faire émerger des concurrents et pénaliser EDF, a atteint un niveau de pénalisation qui se retourne contre le contribuable, contraint de renflouer EDF», et que «cette méthode a abouti à un transfert de rente vers les concurrents d’EDF».  

Fin septembre Bruno Le Maire déclarait dans les colonnes du Journal du dimanche qu’EDF ne devait pas être «Un Etat dans l’Etat». Puis, menaçant, il ajoutait avoir commandé un audit sur la filière nucléaire et prévenait que les conclusions de ce rapport pourraient avoir des conséquences «à tous les étages».