Economie

Bruno Le Maire en colère contre EDF… et les syndicats contre le gouvernement

Le ministre de l’Economie s’est alarmé des retards successifs et des surcoûts des chantiers nucléaires de la filière EPR conduits par EDF. Les syndicats de leur côté réclament le retrait d’un projet de privatisation partielle.

Le nucléaire ne doit pas être «un Etat dans l’Etat», a prévenu Bruno Le Maire, invité dimanche du Grand jury sur LCI et RTL, en réaction aux retards et surcoûts des chantiers EPR en France, en Angleterre et en Finlande.

«Le gouvernement a lancé des avertissements depuis plusieurs mois. J'ai demandé à ce qu'un audit totalement indépendant soit réalisé sur la filière nucléaire et sur le choix de l'EPR. Il me sera remis le 31 octobre prochain», a précisé le ministre de l’Economie, qui a annoncé que les conclusions de ce rapport pourraient avoir des conséquences «à tous les étages», y compris chez EDF.

L'EPR est un réacteur nucléaire de troisième génération conçu pour offrir une puissance et une sûreté améliorées. Le premier chantier EPR à Olkiluoto (Finlande) a connu de multiples déboires, entraînant au moins 10 ans de retard sur le calendrier initial de construction. Le deuxième chantier de l'EPR, conduit par EDF à Flamanville (Manche), ne devrait pas aboutir pour sa part avant la fin 2022, soit au moins 10 ans de retard.

«J'aurais déjà dû l'inaugurer avec le Premier ministre. Ce ne sera pas le cas et je me garderai bien de prendre un engagement» a regretté Bruno Le Maire. Enfin, EDF a prévenu mercredi que le coût de son énorme chantier de construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point C en Angleterre devrait encore s’alourdir de 3,3 milliards d'euros alors qu’il avait déjà été réévalué à la hausse en 2017.

«Toutes ces dérives sont inacceptables», a déclaré le ministre de l’Economie et des Finances. «Elles ne sont pas à la hauteur de ce que EDF représente et de l'expertise française en la matière», a-t-il ajouté. «Je peux comprendre qu'il puisse y avoir une difficulté technique, un défaut de réalisation à un moment ou à un autre, mais quand les retards s'accumulent, quand les défauts s'accumulent, il faut faire le point, le faire de manière indépendante et surtout en tirer toutes les conclusions», a précisé Bruno Le Maire.

Qui va payer ?

«Ce n'est pas les Français qui vont payer ces retards», a t-il par ailleurs avancé, alors que le gouvernement britannique s'était empressé de rappeler mercredi qu'en vertu du contrat négocié avec EDF, le contribuable du Royaume-Uni n'aurait rien à payer de plus.

Une question particulièrement sensible, alors que l’endettement d’EDF dépasse 34 milliards d’euros et que se prépare le projet de réorganisation Hercule commandé par le président Emmanuel Macron au PDG Jean-Bernard Lévy. Présenté en juin dans ses grandes lignes, il prévoit un «EDF bleu» comprenant le nucléaire, les barrages et le transport de l'électricité, et de l'autre un «EDF vert» avec Enedis, EDF Renouvelables, Dalkia et la direction du commerce notamment, qui serait introduit en bourse à hauteur de 35%.

Le 19 septembre, des salariés d’EDF s’étaient mis en grève pour protester contre ce projet, les syndicats CGT, CFE-CGC, CFDT et FO mettant «en demeure» le gouvernement et  la direction d'EDF de le retirer «d'ici le 10 octobre».