«L’Allemagne a toujours soutenu la construction du gazoduc Nord Stream-2 en tant qu’initiative commerciale qui contribue à renforcer la sécurité énergétique de l’Europe», affirme le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué officiel publié à l’occasion de la visite de travail en Allemagne de Sergueï Lavrov le 18 juillet.
Trois jours plus tôt Oleg Axioutine, vice-président du conseil d’administration de Gazprom avait annoncé dans une émission de la chaîne Rossiya 24 que la construction de la partie sous-marine de Nord Stream 2 était achevée à environ 60%. Et en juin, Alexeï Miller, président de Gazprom, avait déclaré à Saint-Pétersbourg que «le point de non-retour sur ce projet a[vait] été atteint depuis longtemps, [qu’il n’y avait] aucune possibilité légale d'arrêter le projet [et qu’il serait] terminé dans les délais».
Nord Stream 2, conçu pour acheminer le gaz naturel russe en Allemagne, puis vers d’autres clients européens, devrait doubler la capacité de Nord Stream 1 (55 milliards de mètres cubes par an) entré en service en 2012. Le nouveau projet coïncide avec une augmentation de la consommation de gaz européenne dont a particulièrement profité la Russie – essentiellement Gazprom. Depuis 2014, la part de la Russie dans les importations de gaz des Etats membres de l’Union européenne (UE) a maintenu sa première place, passant même de 30 à 37%. Et selon la revue d’analyse économique basée à Londres European CEO : «Il y a le potentiel pour que ce chiffre augmente encore dans l’avenir».
Pression de Washington contre les entreprises européennes
Une perspective qui ne satisfait pas du tout l’administration de Donald Trump, qui a accumulé imprécations et menaces contre ce projet et même les entreprises européennes qui assurent 50% de son financement estimé à 9,5 milliards d’euros. On trouve parmi elles rien moins que les sociétés allemandes Uniper, Wintershall et BASF, le groupe anglo-néerlandais Shell, l’Autrichien OMV et le Français Engie.
Le 2 mai à Bruxelles, le secrétaire d’Etat américain à l’Energie Rick Perry a profité de la tribune d’un forum strictement euro-américain de haut niveau consacré à l’énergie pour laisser planer la menace de mesures punitives commerciales pour sanctionner les approvisionnements européens et surtout allemands en gaz russe. Il a depuis affirmé à Reuters qu'un projet de loi de sanctions imposant de sévères restrictions aux entreprises impliquées dans le projet serait élaboré dans un «avenir pas trop éloigné».
Quant au président des Etats-Unis, il ne rate aucune occasion de s’emporter contre l’Allemagne accusée de verser des milliards de dollars à Gazprom alors que les Etats-Unis la protégeraient de la Russie. La dernière fois, c’était le 13 juin, à l’occasion de la visite à la Maison Blanche d’Andrzej Duda président polonais dont le pays fait partie, avec les pays baltes et les pays scandinaves des Etats membres de l’Union européenne opposés à Nord Stream 2. Le président des Etats-Unis, Donald Trump avait même passé un cran supérieur dans ses allusions menaçantes, en déclarant qu'il envisageait des sanctions contre le projet de gazoduc russe Nord Stream 2, que les «Etats-Unis [avaient] demandé aux entreprises européennes d'éviter».
malgré l'imminence des sanctions américaines, le pipeline Nord Stream 2 sera probablement mis en service
Blocage maritime danois
Pour autant le célèbre think tank americain Stratfor pense que «malgré l'imminence des sanctions américaines, le pipeline Nord Stream 2 sera probablement mis en service». Dans une note d’analyse parue le 17 juillet, Stratfor, soulignant que les approvisionnements en énergie en Europe sont devenus un élément clé de la confrontation américano-russe, considère «peu probable» que Washington mette à exécution ses menaces de faire dérailler le pipeline Nord Stream 2 par des sanctions économiques sévères. En revanche, la Maison Blanche est plus susceptible de prendre des mesures qui entraînent des retards dans la construction du pipeline.
Les Etats-Unis disposent pour cela d’un allié précieux, le petit Danemark avec ses six millions d’habitants - et surtout ses eaux territoriales ainsi sa zone maritime exclusive – sur lequel ils exercent de fortes pression, selon l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder. «Nord Stream 2 est un projet qui peut être mis en service à la fin de l'année. Mais il y a un problème évident : la politique danoise. Ceci est lié aux pressions politiques américaines et à l’Ukraine», a ainsi déclaré l’actuel administrateur de Nord Stream 2, cité par Reuters, le 7 juillet depuis le Forum économique international de Saint-Pétersbourg. Il a ajouté que les élections imminentes au Danemark laissent espérer que Nord Stream 2 sera terminé à temps.
Mais pour le moment Gazprom est toujours bloqué à l’orée des eaux danoises et a déjà dû renoncer à sa première demande de permis qui passait par les eaux territoriales danoises. Le 1 er juillet, la société a soumis deux autres itinéraires, qui traverseraient seulement sa zone économique exclusive. Cette solution de contournement est considérée comme un processus d’approbation plus facile et plus rapide, sans garantir une mise en oeuvre d'ici la fin de l'année.
Jean-François Guélain
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