Economie

Coup d'envoi du système d’échanges avec l’Iran visant à contourner les sanctions américaines

Les parties prenantes à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ont annoncé depuis la capitale autrichienne le lancement du système d’échanges avec l’Iran. Mais pour Téhéran, les progrès sont trop timides.

«La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont informé les participants qu'INSTEX [Instrument in Support of Trade Exchanges] avait été rendu opérationnel et accessible à tous les Etats membres de l'UE et que les premières transactions étaient en cours de traitement», ont affirmé, dans un communiqué de presse daté du 28 juin, les participants à la dernière réunion à Vienne de la commission mixte de l’accord sur le nucléaire iranien.

Les signataires ont ajouté que la coopération avec l'entité correspondante iranienne (STFI) déjà mise en place serait accélérée et ont également affirmé que certains Etats membres de l'UE étaient sur le point de rejoindre INSTEX en tant qu'actionnaires.

Enfin, les participants à la réunion de Vienne ont réitéré leur entier soutien à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien appelé en anglais JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) en estimant qu’il «rest[ait] un élément clé de l'architecture mondiale de non-prolifération nucléaire, approuvé à l'unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.», et ajouté qu'«à la lumière des tensions récentes, sa préservation rest[ait] essentielle pour la stabilité et la sécurité régionales».

La réunion était mal engagée. En début de semaine dernière, cité par l’agence de presse iranienne Press TV, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif avait estimé que les Européens n’avaient «ni le pouvoir ni la détermination» de mettre en œuvre leurs engagements relatifs à l'accord sur le nucléaire iranien. Et surtout, trois jours avant la réunion de Vienne, il s’était plaint des «retards répétés» de la mise en œuvre d'INSTEX en référence à la demande du ministre d'Etat britannique pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Andrew Murrison, de reporter la mise en œuvre de ce mécanisme après sa récente visite à Téhéran.

Abbas Araqchi, l’envoyé iranien à la réunion de Vienne, a toutefois tempéré l’enthousiasme du communiqué publié le 28 juin à Vienne en déclarant aux reporters : «C’était un pas en avant, mais ce n’est toujours pas suffisant et ne répond pas aux attentes de l’Iran.» Il a ajouté que la décision de réduire les engagements pris par l'Iran dans le cadre du JCPOA avait déjà été prise que ce processus se poursuivrait «à moins que les attentes [de l’Iran] ne soient satisfaites » et expliqué : «Pour qu'INSTEX soit utile à l'Iran, les Européens doivent acheter du pétrole ou envisager des lignes de crédit pour ce mécanisme, sinon INSTEX ne répondra ni à leur attentes ni aux nôtres».

A New York, l’envoyé permanent de l’Iran auprès des Nations unies s’est montré également sceptique quant aux possibilités réelles d’Instex, en le comparant à «une jolie voiture sans carburant». Il a aussi laissé entendre que l’Iran pourrait prochainement se considérer dégagé de ses obligations vis-à-vis de l’accord en détaillant :  «Nous ne pouvons plus attendre. Nous ne menaçons personne et nous ne fixons pas de délai. Nous leur avons dit que nous réduirions nos engagements s'ils ne prenaient aucune mesure. Nous prendrons de nouvelles mesures s’ils refusent de respecter leurs engagements».

Instex a été créé officiellement le 31 janvier par les membres du groupe dit «E3» (Allemagne, France et Royaume-Uni). C’est une société intermédiaire chargée d’effectuer les paiements aux entreprises occidentales qui font du commerce avec l’Iran. Elle a un équivalent iranien qui s’adresse aux entreprises de la République islamique. Le but du montage est d’éviter de recourir aux paiements directs qui pourraient tomber sous le coup des sanctions américaines.

Mais dès le départ, Instex, en dépit des déclarations encourageantes de ses promoteurs européens, a été vu comme un outil particulièrement timoré, parce qu’il est dans un premier temps limité au financement d’«exportations humanitaires» (principalement médicaments) et ne concernerait pas les exportations de gaz et de pétrole iraniens. De plus, ces transactions humanitaires ne sont pas visées par les sanctions américaines.