En Allemagne, l’ouverture à la concurrence du transport régional ferroviaire de passagers, dès 1996, a permis la réouverture de 500 kilomètres de lignes abandonnées par l’exploitant public Deutsche Bahn. Mais en France, les cinq premiers projets de lignes de train rendus publics le 17 juin dans le cadre de l'ouverture à la concurrence n’apportent aucune desserte nouvelle.
Ils concernent les trajets Paris-Bruxelles, Paris-Lyon, Paris-Nice (en horaire de nuit), Paris-Toulouse et Paris-Bordeaux, selon des documents publiés par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), et ont été présentés par l’Allemand Flixtrain.
Filiale du groupe FlixMobility dont fait également partie FlixBus, Flixtrain est finalement la seule compagnie à s'être portée candidate pour ces cinq lignes, alors que SNCF Réseau avait affirmé en début d'année avoir «deux touches» parmi les opérateurs ferroviaires.
Comme en Allemagne, où la compagnie exerce depuis avril 2018, FlixTrain travaillera avec des sous-traitants qui posséderont et feront circuler les trains, floqués en vert à l'effigie de la marque.
En France, FlixBus exploite des lignes d'autocars interurbains low-cost depuis quatre ans dont les itinéraires devraient être raccordés aux arrêts des lignes qu’espère exploiter Flixtrain. Yvan Lefranc-Morin, directeur général France de FlixBus (filiale du groupe FlixMobility dont fait également partie FlixTrain), a expliqué à l’AFP : «Nous allons intégrer ces trains dans un réseau beaucoup plus large qui représente aujourd'hui les nouveaux modes de mobilité bon marché. L'intérêt pour nous, c'est de créer une perméabilité entre le car et le train car on est persuadés de la forte complémentarité de ces modes de transports.»
Ces cinq projets de lignes ferroviaires visent un début de service pour «l'horaire 2021», qui commencera en réalité le 12 décembre 2020. Il était possible de proposer des lignes à grande vitesse, mais FlixTrain s'est concentré sur une offre «équivalente aux trains Intercités, avec des prix nécessairement plus abordables».
Aucune ligne à grande vitesse
Plus abordables…et aussi moins rapides que les TGV actuels. Selon les projets déposés, un trajet Paris-Lyon prendra 4 heures et 22 minutes (au lieu de 2 heures en TGV) et relier Paris à Toulouse prendra 6 heures et 35 minutes (5 heures et 40 minutes en TGV).
Pour le trajet proposé le plus long (Paris-Nice, 10 heures et 24 minutes au lieu de 7 heures et 22 minutes en TGV), la compagnie mise sur le train de nuit. Ce type de trajet a largement décliné en France et la SNCF n'exploite plus que deux lignes. Réputé difficile à exploiter, il est aussi présenté comme le meilleur moyen pour aller loin sans polluer. Le projet de loi sur les mobilités propose d'ailleurs de leur consacrer une étude en vue de les relancer.
Au-delà des lignes commerciales, les services ferroviaires conventionnés pourront faire l'objet d'appels d'offres dès le 3 décembre, si les autorités organisatrices le souhaitent (régions pour les TER et le Transilien, l'Etat pour les Intercités). Cette possibilité deviendra obligatoire, sauf exceptions, fin 2023.
Les lignes internationales sont, elles, ouvertes à la concurrence depuis 2009. La compagnie ferroviaire Thello, filiale française de l'entreprise publique italienne Trenitalia, exploite déjà un train de nuit et une liaison classique France-Italie et veut lancer des trains à grande vitesse également entre France et Italie à partir de juin 2020.
En Allemagne, FlixTrain exploite désormais trois lignes et a transporté un million de voyageurs lors de sa première année d'exploitation, selon la société. En France en 2017 (derniers chiffres connus), la SNCF a transporté 1,7 milliard de passagers enregistrant une progression de près de 5% par rapport à l’année précédente.
La fin de 81 ans de monopole
Il s’en sera donc fallu d’un an pour que la Société nationale des chemins de fer français célèbre son 80e anniversaire au moment de perdre le monopole sur les grandes lignes dont elle a joui à sa création. En revanche, la SNCF n’est devenue à 100% propriété de l’Etat qu’en 1982. La convention portant sa création en 1937 (avant son entrée en service en janvier 1938) accordait pour 45 ans 49% du capital aux différentes entreprises privées régionales dont les réseaux avaient été intégrés à l’ensemble.
En France, l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de passagers exigée par Bruxelles s’est faite dans le cadre de la Loi pour un nouveau pacte ferroviaire, promulguée en juin 2018. Outre l’ouverture à la concurrence, les principales dispositions de ce texte étaient la fin du statut des cheminots, et la transformation de la SNCF en société anonyme que beaucoup ont interprétée comme un prélude à sa privatisation partielle, malgré les dénégations du gouvernement.
Le projet de loi a déclenché plusieurs semaines de grèves et sa promulgation a entraîné l’abaissement de deux crans de la note financière de SNCF Mobilités, la principale entité commerciale de la société historique des chemins de fer français.