Le site d’information Mediapart s’est procuré et a rendu public l’accord signé le 4 novembre 2014 entre l’Etat français et General Electric (GE). Il formalise les engagements pris par le groupe américain lors du rachat de la branche énergie d’Alstom.
Une seule promesse était jusqu’alors connue : celle de créer 1 000 emplois équivalents temps plein en CDI d’ici la fin 2018. On connaît déjà les suites et l’amende de 50 millions d’euros infligée à GE pour avoir failli à cet engagement, avant que le groupe américain n'annonce, au lendemain des élections européennes, un plan prévoyant un millier de suppressions d’emplois.
Mais cet accord contient d’autres dispositions qui, elles non plus, n’ont pas été respectées. Par exemple, on peut y lire : «GE s’engage à ce que les quartiers généraux de l’activité mondiale turbines à vapeur de l’activité Energie et Eau soient localisés en France.» Mais, alors que GE entreprend une restructuration massive de son activité Turbines à gaz, touchant d’abord la France (51,8 % des suppressions d’emploi de cette activité en Europe sont concentrées en France, selon les informations de Mediapart), à Belfort, qui abrite le plus gros centre au monde de turbines à gaz 50 Hz de GE, il n’y a toujours pas de centre de décision mondial et selon le site, «certaines activités sont parties à l’étranger depuis».
Pour souligner le caractère contraignant des engagements pris, l’accord précise que toutes les dispositions incombent à GE et à toutes ses filiales en France, et que l’ensemble reste soumis «au respect des lois applicables». L’Etat a donc la possibilité d’exiger de GE le respect de ses engagements devant les tribunaux. «Mais en a-t-il vraiment envie ?» s’interroge Mediapart qui rappelle qu’un des rares engagements tenus par GE est l’élection au conseil d’administration d’un PDG de nationalité française à la tête de GE France. En effet, en avril 2019, Hugh Bailey, ancien conseiller d’Emmanuel Macron lorsqu’il était au ministère de l’Economie, a été nommé à ce poste.
L'Etat peu pressé de faire intervenir les tribunaux
L’accord contient pourtant un début de réponse à la question posée par Mediapart. Il révèle un fait intéressant et relativement passé sous silence : la nomination de Vigeo en qualité de conseil indépendant, «habilité à réaliser une fois par an un audit de la mise en œuvre des engagements de GE aux termes du présent accord sur demande de l’Etat ou de GE et dans tous les cas aux frais de GE».
Or, des représentants du cabinet fondé par l’ancienne patronne de la CFDT, Nicole Notat, ont été auditionnés en février 2018 par la Commission d’enquête [de l’Assemblée nationale] chargée d’examiner les décisions de l’Etat en matière de politique industrielle…
Et le compte rendu de cette audition nous apprend que le président de cette commission, le député Les Républicains Olivier Marleix, avait demandé à l’un d’eux : «Parmi ces six engagements figure la localisation en France du quartier général de l’activité «hydro», un sujet sensible compte tenu du plan social sur le site de Grenoble. Vous tenez le compte des emplois, mais l'Etat ne vous a-t-il pas sollicités pour une analyse plus précise des décisions qui ont été prises en partant, et de leurs conséquences en termes de pérennité pour l'activité du site ?»
A quoi Amandine Duquesne, l'auditrice senior qui mène depuis le début de cette mission le recueil d’informations auprès de GE, assiste aux comités de pilotage et en effectue la restitution, n’avait pu que répondre : «A ma connaissance, non.»
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