«On va saisir le Conseil d'Etat [...] d'ici à peu près quinze jours pour tenter fermement de faire annuler cette hausse», a déclaré le 31 mai sur RTL François Carlier, délégué général de la CLCV, importante association de consommateurs, à propos de l’augmentation des tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité.
Annoncée depuis des mois, cette hausse de 5,9% au 1er juin a été confirmée dans une décision publiée au Journal officiel le 30 mai. Elle fait suite aux calculs de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui l'avait proposée dès le mois de février.
En pleine crise des Gilets jaunes et de revendications sur le pouvoir d'achat et les coûts de l'énergie en particulier, le gouvernement avait décidé de retarder de trois mois cette hausse. Officiellement il s'agissait de laisser passer la saison hivernale durant laquelle les ménages consomment le plus d'électricité. On peut aussi facilement imaginer que l’échéance des élections européennes a été prise en compte dans ce calendrier.
Le renchérissement concerne quelque 25 millions de foyers et représentera une hausse de 85 euros par an en moyenne pour un foyer se chauffant à l'électricité. Cette hausse est dénoncée comme «injuste» par les associations de consommateurs CLCV et UFC-Que Choisir, qui vont saisir le Conseil d'Etat pour tenter de la faire annuler. Elle a aussi fait l’objet de deux avis défavorables de l’Autorité de la concurrence sur la méthode de calcul.
Une telle augmentation est injuste […] car elle n’est pas destinée à couvrir l’augmentation des coûts de fourniture d’EDF, mais à aider les opérateurs alternatifs [...] à rester compétitifs
Sur son site, la CLCV dénonce «une hausse techniquement infondée et juridiquement contestable» et explique : «Une telle augmentation est injuste pour les consommateurs […] car elle n’est pas destinée à couvrir l’augmentation des coûts de fourniture d’EDF, mais à aider les opérateurs alternatifs en grande difficulté financière à rester compétitifs. Près de la moitié des 6 % de hausse servira ainsi à sauvegarder leur viabilité économique et ainsi à faire survivre la concurrence. Les consommateurs n’ont pas à payer pour les sauver de la faillite !»
Une hausse qui va toucher les plus précaires
Interrogé par l’AFP, Cédric Musso, directeur de l'action politique de l'UFC-Que Choisir estime que «cette hausse va impacter plus particulièrement les précaires, qui sont des ménages qui se chauffent majoritairement à l'électricité dans des logements mal isolés et avec ce qu'on appelle des grille-pain.»
Sur Twitter, Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, juge la hausse «inacceptable» et s’interroge : «Est-ce une formule mathématique qui décide ou le gouvernement ?». «Ce n'est pas le gouvernement qui fixe les tarifs», a répliqué sa porte-parole Sibeth Ndiaye le 31 mai sur LCI. Une affirmation contredite par le président d’EDF Jean-Bernard Lévy lui-même qui le 30 mai sur Europe 1 avait déclaré : «Ces tarifs sont fixés par le gouvernement selon des lois qui calculent comment l'électricité doit être payée.»
Début avril Alain Bazot, le président de l’Union française des consommateurs (UFC-Que choisir), avait aussi démonté cet argument en rappelant dans une tribune que la CRE proposait les variations du TRV [tarif réglementé de vente] «sur la base de formules, de règles, posées par le législateur et l’exécutif [et qu’en conséquence], rien n’empêch[ait] que ces règles de calcul soient revues pour soulager le pouvoir d’achat des consommateurs».
D’ailleurs la méthode de calcul semble poser problème y compris au gouvernement. Fin avril François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, a ainsi annoncé que le gouvernement souhaitait revoir la méthode de calcul des TRV pour l'avenir.
Le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, préfère pour sa part pointer du doigt un autre problème déclarant également sur Europe 1 : «Je rappelle que quand on paie une facture d'électricité, on paie plus du tiers de taxes. C'est comme si on avait une TVA à 55 %.» Et de conclure : «Il faudrait peut-être réfléchir à moins taxer l'électricité puisqu'elle n'émet pas de dioxyde de carbone.»