Faute de commandes, Airbus a annoncé le 14 février la fin de la production de l'A380, son très gros porteur entré en service en 2007 et qui quittera définitivement son catalogue en 2021. Toutefois, les 234 exemplaires livrés devraient voler encore jusqu’en 2030 au service de la quinzaine de compagnies qui les ont achetés, avant d’être remis en vente sur le marché de l’occasion.
Boudé par les compagnies, le programme a été maintenu en vie durant ces trois dernières années grâce à un ralentissement du rythme de production, passé à un exemplaire par mois en 2018, contre un total de 27 sur l'ensemble de l'année 2015.
Or, il y a un an, le principal client de l'A380, Emirates, qui en possède déjà plus d’une centaine, a réduit son carnet de commandes d'A380 de 162 à 123 appareils, portant ainsi le coup de grâce au plus gros avion de ligne au monde.
La compagnie basée à Dubaï a pourtant «été un ardent supporter de l'A380 dès la première heure», comme le déclare Ahmed ben Saïd al-Maktoum, le PDG de la compagnie du Golfe, cité dans un communiqué d’Airbus qui souligne que le gros porteur restera un pilier de la flotte d’Emirates. La compagnie devrait d’ailleurs recevoir encore une quinzaine d’appareils d’ici l’arrêt définitif du programme.
«L’annonce de ce jour est douloureuse pour nous [...] mais gardez à l’esprit que l’A380 continuera à sillonner le ciel pendant de nombreuses années et que nous garantirons bien évidemment le soutien [service après-vente] complet de la flotte A380 de nos clients», déclare Tom Enders dans le communiqué d’Airbus annonçant l’arrêt du programme.
Plébiscité par les voyageurs pour son confort et son silence à l’intérieur de l’appareil, l’A380 présente l’inconvénient de son prix catalogue élevé (environ 450 millions d’euros), en plus de celui d’être gourmand en kérosène. Pour être rentable, un vol commercial doit être rempli à près de 100% !
Un marché surestimé dès le départ
Airbus a surestimé le marché potentiel de ce type d’avion en pariant sur une capacité mondiale de 1 200 appareils dont l’avionneur européen espérait capter au moins 50%. Or, ces attentes ont été déçues, les compagnies aériennes donnant aujourd’hui leur préférence à des biréacteurs de moyenne capacité, plus rentables
«Le marché a changé, on s'adapte, on a mis des bons produits», a déclaré dans la soirée sur RTL Guillaume Faury, l'actuel patron de la branche aviation commerciale de l'avionneur, qui succèdera fin avril à Tom Enders. Le futur patron d’Airbus place désormais ses espoirs dans l’A350 un moyen porteur emportant de 325 à 400 passagers et dont une centaine d’exemplaires volent déjà sous les couleurs de Qatar Airways et de Singapore Airlines.
L’avionneur et les syndicats sont confiants dans la possibilité d'un reclassement des 3 000 à 3 500 salariés concernés dans les trois années à venir par la fin du programme A380. «On est une entreprise en croissance, ça nous donne beaucoup d'opportunités pour redéployer», a par exemple déclaré Guillaume Faury, qui n'a toutefois pas exclu formellement d'éventuelles suppressions d'emploi. Pour sa part, Françoise Vallin, représentante chez Airbus de la Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), 2e syndicat à Airbus –, a confié à l’AFP attendre des rencontres avec la direction «pour mesurer les conséquences sociales».
La fin d'une charge financière saluée par la Bourse
La fin de l’A380 peut être vécue comme un crève-cœur mais elle est aussi un soulagement pour les finances du groupe et a d’ailleurs été applaudie par la Bourse. Le cours de l’action Airbus a, en effet, atteint son plus haut niveau historique le 15 février, lendemain de l’annonce, au-delà de 110 euros, et continue de progresser.
En 2018, les prises de commandes ont atteint 55,5 milliards d'euros, portant la valeur du carnet de commandes à 460 milliards d'euros au 31 décembre dernier. Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 64 milliards d’euros, en léger recul par rapport au trois derniers exercices (avec un pic à 67 milliards en 2017) mais le résultat net (3,054 milliards d’euros) a progressé de 29%.
Les analystes du secteur aéronautique sont d’ailleurs confiants dans l’avenir d’Airbus, comme Stéphane Albernhe, président-fondateur du cabinet de conseil en stratégie industrielle Archery, pour qui : « Au-delà de l'A380, Airbus a beaucoup d'atouts pour maintenir sa position sur le marché de l'aviation commerciale de plus de 100 places.»
Toutefois, quelques nuages pèsent sur l’avenir du constructeur aérien, menacé par différentes enquêtes sur la régularité de ses procédures commerciales menées notamment par la justice américaine. Les mauvaises langues disent que c’est pour échapper à ces conséquences que Tom Enders a décidé de ne pas briguer sa propre succession. Airbus pourrait en effet être condamné à des amendes représentant l’équivalent d’un an de bénéfice net, sans parler d’éventuelles incarcérations de dirigeants, comme dans le cas d’Alstom.