Les menaces implicites formulées contre l’Inde par John Bolton, conseiller du président des Etats-Unis à la sécurité nationale, ne sont pas passées inaperçues dans le sous-continent.
Le 12 février, John Bolton a partagé sur son compte Twitter un article de l’agence américaine d’informations économiques Bloomberg intitulé «Le Tsar du pétrole du Venezuela courtise l’Inde après une frappe à 20 milliards de dollars», et l’a accompagné du commentaire : «Le soutien des nations et des entreprises au vol par Maduro des ressources du Venezuela ne sera pas oublié.»
L’agence rapporte que Manuel Quevedo, le ministre vénézuélien du Pétrole, a fait une apparition surprise à Petrotech, important salon de l’énergie qui s’est tenu près New Delhi. Manuel Quevedo, qui est également le président de la compagnie d'Etat Petroleos de Venezuela SA (PDVSA), y a déclaré que son pays voulait accroître ses ventes de brut à l'Inde et que les mesures prises par les Etats-Unis avaient entraîné une perte de 20 milliards de dollars pour l'économie du Venezuela.
De son côté, l’Hindustan Times, un des principaux quotidiens anglophones indiens, explique que les exportations de pétrole du Venezuela se sont orientées vers l’Inde depuis l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions américaines, le 28 janvier. Ces dernières tentent d’empêcher PDVSA d’exporter son pétrole, sauf s'il se fait payer sur des comptes contrôlés par les Etats-Unis.
Parmi les clients récalcitrants aux sanctions américaines, l’Inde est en effet, à court terme, plus précieuse encore que la Chine, car elle accepte de payer les livraisons en cash. Pékin et Moscou, en revanche, se font livrer au titre de remboursements d’importants prêts consentis au groupe pétrolier public vénézuélien.
300 000 barils par jour malgré les sanctions
Actuellement, avec plus de 300 000 barils par jour, les raffineurs indiens absorbent près du quart des exportations de brut vénézuélien échappant encore aux sanctions.
De plus, l’Inde continue de soutenir le gouvernement vénézuélien contre les pressions de Washington. Les médias indiens rapportent par exemple que le mois dernier, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré : «L'Inde et le Venezuela entretiennent des relations étroites et cordiales. Nous estimons qu'il appartient au peuple vénézuélien de trouver des solutions politiques lui permettant de résoudre ses différends par le biais d'un dialogue constructif et de discussions sans recourir à la violence.»
Toutefois, les menaces de John Bolton doivent être examinées au prisme d'un contexte bilatéral qui dépasse la seule question des achats de brut vénézuélien sous sanctions. A quelques mois des élections législatives, le Premier ministre indien a mis en place une politique commerciale de réponses aux droits de douane imposés par les Etats-Unis sur les exportations d’acier et l’aluminium de nombreux pays, dont l’Inde, ainsi qu’aux restrictions à l’octroi aux ouvriers indiens de visas de travail américains.
Delhi a ainsi adopté une série de mesures en matière de stockage de données, de commerce électronique et de réglementation des contenus en ligne, qui ont suscité de vives inquiétudes parmi les entreprises américaines.
Quelques mois auparavant, Delhi avait également irrité Washington en maintenant ses achats de systèmes de défense antimissile et antiaérienne russes S-400.
Selon la presse indienne, l’Inde est loin de figurer parmi les priorités de Washington en matière de disputes commerciales, derrière la Chine bien sûr, mais même derrière le Canada. Malgré tout, les Etats-Unis envisageraient de retirer à l’Inde le bénéfice du système de préférences généralisées (SPG), un régime commercial permettant des importations de produits indiens sans droits de douane pour plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis.