La Commission européenne a confirmé le 13 février avoir ajouté l'Arabie saoudite à sa liste noire des pays présentant des carences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Parmi les nouveaux venus sur la liste noire européenne du blanchiment, on trouve également le Panama, ainsi que quatre territoires étasuniens (les Samoa américaines, les îles Vierges américaines, Porto Rico et Guam) qui côtoient désormais la Libye, le Botswana ou encore le Ghana déjà présents sur cette liste.
Outre le préjudice à la réputation, l'inclusion dans la liste complique les relations financières avec l'Union européenne (UE). Certes, la liste n’est assortie d’aucune sanction, mais les banques européennes devront effectuer des contrôles supplémentaires sur les paiements impliquant des entités enregistrées dans les juridictions mentionnées sur cette liste.
Le gouvernement saoudien a déclaré qu'il regrettait cette décision et le ministre saoudien des Finances Mohammed Al-Jadaan cité par SPA, l’agence de presse du Royaume, a ajouté : «L'engagement de l'Arabie saoudite dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est une priorité stratégique pour le Royaume. Nous allons continuer à développer et améliorer notre cadre réglementaire pour parvenir à cet objectif.»
Le Département du Trésor juge la liste «défectueuse»
Aux Etats-Unis, le département du Trésor a réagi en exprimant «des réserves importantes quant à la substance de la liste» et a estimé que son élaboration était «défectueuse». Il a ajouté que les institutions financières américaines n’étaient pas tenues de prendre en considération le document établi par la Commission européenne et que la norme demeurait la liste du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) où ne figurent pas les quatre territoires étasuniens en question.
Lors de la conférence de Presse à Strasbourg, la commissaire européenne pour la justice, les consommateurs et l'égalité des genres Vera Jourova a déclaré qu'il était urgent d'agir car «les risques se propagent comme une traînée de poudre dans le secteur bancaire».
Mais pour le Royaume-Uni, qui doit normalement quitter l'UE le 29 mars, cette liste pourrait être une source de «confusion pour les entreprises», car elle s'écarte de la liste (plus accommodante) établie par le GAFI, créé en 1989 dans le cadre du G7. Selon Reuters, Londres a mené bataille pour exclure l’Arabie saoudite de cette liste et l’AFP écrit que «l'initiative de l'exécutif européen ne fait pas l'unanimité au sein de l'UE [et que] les réticences de capitales comme Paris ou Londres sont interprétées par certains comme une volonté de ne pas envenimer les relations avec certains pays. Notamment celles avec l'Arabie saoudite».
Paris, Londres et Berlin, vent debout en coulisses
Un article publié par le Financial Times sur son site internet affirme que l’opposition vient essentiellement de Paris, Londres et Berlin inquiets que la liste proposée par la Commission diffère de celle du GAFI.
Le royaume saoudien est un important importateur de marchandises et d’armes de l’UE et plusieurs grandes banques britanniques sont présentes dans le pays. Parmi elles, HSBC est réputée avoir une influence particulière qui s’est concrétisée par le recrutement à la tête du fonds souverain saoudien de l’ancien directeur de la branche locale de gestion d’actifs d’HSBC.
La commissaire européenne, qui a dit «comprendre les réactions de certains Etats membres», a estimé que c’était un sujet «hautement sensible du point de vue politique», évoquant «les relations des Etats membres avec ces pays tiers», mais a ajouté espérer que «les pays européens comprendr[aient] la nécessité de cette démarche».
L'eurodéputée Eva Joly (Verts), qui a été juge d'instruction, a salué de son côté la nouvelle liste proposée par Bruxelles, qualifiée de «progrès pour combattre l'argent sale». Elle a par ailleurs demandé que certains pays européens comme Chypre ou le Royaume-Uni soient eux aussi mis au ban.
Le Parlement européen et le Conseil ont maintenant un mois, qui peut être étendu à deux, pour approuver cette liste dont la forme juridique est un règlement délégué.