Economie

Les Etats-Unis passeront les fêtes de fin d'année en shutdown partiel et voient les marchés chuter

Pas d'accord budgétaire au Sénat, faute de compromis sur le financement du mur de séparation avec le Mexique voulu par Donald Trump. Certaines administrations ont dû fermer temporairement et la bourse de New York a connu un plongeon historique.

Les parlementaires américains ont regagné leur circonscription pour Noël, tandis que certaines administrations fédérales sont restées fermées le 24 décembre pour la troisième journée, après l'échec des tractations au Congrès du 21 décembre, sur le financement d'un mur à la frontière mexicaine voulu par Donald Trump. Ce shutdown partiel, qui inquiète les milieux d’affaires, pourrait durer jusqu'au 3 janvier.

Faute de budget, de nombreux ministères et agences gouvernementales ont fermé leurs portes dès le 22 décembre, laissant environ 400 000 fonctionnaires en congé sans solde. 400 000 autres, employés dans les services jugés essentiels (douanes, sécurité aéroportuaire, inspection sanitaire, etc.), sont, eux, contraints de travailler en sachant qu’ils percevront leur salaire en retard alors que la période des fêtes bat son plein.

«Aucune entreprise privée ne serait autorisée à perturber de cette manière la vie de ses employés», s’est insurgée la Fédération des employés du gouvernement dans des courriers au Sénat et à la Chambre des représentants.

Les négociations sur le budget fédéral, suspendues tard le 21 décembre, doivent reprendre le 27. Mais le directeur du Budget à la Maison Blanche Mick Mulvaney a d’ores et déjà prévenu sur l’antenne de Fox News, le 23 décembre, qu’il était «très possible» que le shutdown partiel se prolonge jusqu’au 3 janvier. A cette date aura lieu la première session du nouveau Congrès, tel qu'il est sorti des urnes lors des élections de mi-mandat en novembre.

Les démocrates reprendront alors le contrôle de la Chambre des représentants, alors que les républicains resteront majoritaires au Sénat, mais avec seulement 51 sièges sur 100, alors qu’il faut au moins 60 votes pour imposer un budget.

Les drones et tout le reste c'est merveilleux et très amusant, mais ce qui marche c'est un bon vieux mur

Le président américain a réaffirmé sur twitter, le 23 décembre, sa détermination à obtenir 5 milliards de dollars pour la construction d'un mur le long de la frontière avec le Mexique afin de freiner l'immigration clandestine, l'une de ses principales promesses de campagne. Dans un message, il a par exemple justifié : «Les drones et tout le reste sont merveilleux et très amusants, mais ce qui marche c'est un bon vieux mur.»

L'opposition démocrate, qui refuse de voter ce volet du projet, propose d'allouer 1,3 milliard de dollars à l'amélioration du système de surveillance frontalier. «Les démocrates nous ont offert 1,6 milliard de dollars il y a deux semaines, puis ont offert au président 1,3 milliard cette semaine», a déclaré Mick Mulvaney à la chaîne ABC.

«C'est une négociation qui semble se diriger dans la mauvaise direction», a poursuivi le directeur du Budget auprès de la Maison Blanche, qui en deviendra le secrétaire général par intérim, à partir de janvier.

Le shutdown affecte des ministères importants comme la Sécurité intérieure – chargé de la sécurité aux frontières – la police fédérale, les Transports, le Trésor ou l'Intérieur, qui supervise les parcs nationaux très visités pendant les fêtes, comme le Grand Canyon. Le 23 décembre, sur National Mall à Washington, où sont situés des musées, monuments et mémoriaux, les sites en plein air étaient accessibles mais pas les toilettes publiques.

Ce blocage budgétaire est le troisième de l'année, après janvier (trois jours) et février (quelques heures), déjà à cause de l'immigration clandestine. Le précédent, en octobre 2013, avait duré 16 jours, loin toutefois du record de 21 jours en 1995-96, pendant le premier mandat de Bill Clinton. Selon les calculs de l’agence de notation S&P, le shutdown de 2013 avait entraîné un manque à gagner de 24 milliards de dollars pour l'économie. Le shutdown, couplé à la hausse des taux d'intérêt, a fait plonger la Bourse de New York.

Dès le 23 décembre, Wall Street a connu un plongeon qui a fait de l’ensemble de la semaine écoulée la pire pour les actions américaines depuis 2008. Le dollar américain a également baissé contre les principales devises et en particulier l’euro qui vaut désormais environ 1,14 dollars après une année de baisse contre le billet vert (de 1,26 à 1,12 dollar pour un euro).

L’indice S&P 500 s'achemine vers un repli de plus 7% cette année et pourrait connaître son pire mois de décembre depuis 1931. La plupart des indices européens, parmi lesquels le CAC 40, devraient eux aussi clôturer l’année sur une baisse qui sera en moyenne de près de 15% sur les douze mois écoulés.

Aux Etats-Unis, un large consensus d’analystes financiers estime que le shutdown a joué un rôle dans la brutale baisse des marchés d’actions, s’ajoutant à politique monétaire de la Federal Reserve (Fed), la banque centrale des Etats-Unis. Elle a récemment décidé de relever ses taux d’intérêts, à la grande fureur de Donald Trump qui redoute que cette politique ait un effet négatif sur la croissance.


«Un certain nombre de facteurs ont déclenché ce récent climat d’incertitude, notamment l'écart très modeste de la Fed par rapport à son projet [de hausse des taux] et le shutdown», a par exemple résumé le 24 décembre Philip Shaw, économiste chez Investec, l'un des plus important conseillers en gestion d’actifs au niveau mondial, cité par l’agence Reuters. Il n’a pas exclu un rebond rapide, en début d’année, si les négociations commerciales avec la Chine, jusqu’ici très tendues, devaient aboutir sur un abaissement des tensions. 

Réunion de crise au sommet avec les six premiers banquiers des Etats-Unis

Le secrétaire au Trésor américain, Steve Mnuchin a toutefois envoyé un signal inquiétant aux marchés en convoquant le Groupe de travail sur les marchés financiers, une réunion des présidents des six principales banques du pays – Bank of America, Citi, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Morgan Stanley et Wells Fargo. Ce groupe qui comprend aussi des représentants de la Fed ainsi que de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme des marchés, est surnommé Plunge ProtectionTeam qu'on peut essayer de traduire par «équipe de secours en plongée», en allusion à son rôle d’intervention en cas de plongeon des marchés. Il s'était en particulier réuni en 2009 au cours de la dernière phase de la crise financière.

Une ambiance de panique assez surprenante, compte tenu des gains enregistrés par les différents indices américains depuis la fin de la crise des subprimes de 2008. Mais les analystes financiers soutiennent aussi que de nombreux indicateurs économiques comme l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt aux Etats-Unis annoncent aussi la fin d’un cycle de hausse des marchés d’actions. Cela pourrait avoir un impact mondial, indépendamment du résultat des prochaines négociations au Sénat pour mettre fin au shutdown partiel.


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