Ce 30 novembre, le président français et le Premier ministre du Japon, devraient se rencontrer à Buenos Aires en marge de leur participation au sommet du G20 accueilli cette année par l’Argentine. La répartition des pouvoirs dans les conseils d’administration de la triple alliance franco-japonaise Renault-Nissan-Mitsubishi devrait être au cœur de la discussion annoncée et commentée par la presse japonaise que cite l’agence Reuters.
Cette discussion attendue entre le chef de l’Etat français et celui du gouvernement japonais a pour contexte l’arrestation, le 19 novembre dernier au Japon, de Carlos Ghosn, président de l’alliance, soupçonné par les autorités de l’archipel d’avoir minoré sa rémunération. Ce dernier a d’ores et déjà été démis de la présidence des groupes Mistubishi et Nissan, ce dernier l’accusant d’abus de biens sociaux.
Si la presse japonaise estime que la question des droits de vote au sein des conseils d’administration de Renault et de Nissan va primer sur celle également possible du 160e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays ou de la saison culturelle en France «Japonismes 2018», c’est que Tokyo s’estimerait frustré par l’actuelle répartition du capital de l’alliance industrielle.
Depuis une manœuvre pilotée en 2015 par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, l’Etat français détient une minorité de blocage au conseil d’administration de Nissan, tandis que le groupe japonais ne reçoit aucun droit de vote au sein de celui de Renault.
Les particularités du droit public japonais font qu’en vendant environ 3,5% des actions de Nissan d’une valeur actuelle d’environ 1 milliard d’euros, l’Etat français abandonnerait son droit de contrôle sur le constructeur japonais. Ce que le gouvernement français semble exclure. Sur LCI, le 27 novembre dernier le ministre de l’Economie martelait la position de l’Etat français en déclarant : «Il y a aujourd'hui un partage qui me paraît le bon, il y a un équilibre qui est le bon. Il y a des participations croisées entre Renault et Nissan qui ne doivent pas changer.» Pour lever toute ambiguïté, il a ajouté : «Je ne souhaite pas qu'il y ait de modification des équilibres de pouvoir entre Renault et Nissan, des niveaux de participations croisées. »
Le 17 octobre, Bruno Le Maire et son homologue japonais Hiroshige Seko avaient réaffirmé le soutien de la France et du Japon à l’alliance, lors d’un entretien à Paris. Mais quelques jours plus tard, Bruno Le Maire avait soutenu à la télévision que Hiroshige Seko et lui avaient convenu qu’il était préférable de maintenir la structure capitalistique actuelle de l’alliance, un accord que la partie japonaise a nié avoir donné. Selon le quotidien Mainichi Shimbun le 30 novembre, Hiroshige Seko a envoyé une lettre de protestation à Bruno Le Maire.
Le sort de Carlos Ghosn, qui est toujours officiellement président de l’alliance, malgré la mise en place d’une sorte d’intérim, pourrait aussi être évoqué par les deux hommes. Le jour même de leur rencontre annoncée par la presse japonaise, le tribunal de Tokyo a approuvé la prolongation de sa garde à vue pendant dix jours supplémentaires. Cette nouvelle garde à vue pourrait aboutir à sa libération sans charges, mais aussi à son inculpation dans de nouvelles affaires, pour de simples question de dates de faits incriminés.
Mais la rencontre éventée entre Emmanuel Macron et Shinzo Abe à un autre contexte plus large : l’accord de libre-échange, signé en juillet dernier à Tokyo, entre l’Union européenne et le Japon qui doit être ratifié par les Parlements respectifs pour une entrée en vigueur attendue dès 2019. C’est un enjeu majeur. Avec 600 millions d’habitants et 30% du produit intérieur brut mondial, le nouvel espace de libre-échange serait le premier au monde. La France et le Japon vont en outre assumer l’an prochain des responsabilités globales en accueillant à Paris la réunion du G7 et à Tokyo celle du G20.