Economie

Poutine et Erdogan se retrouvent à Istanbul pour l'inauguration de TurkStream

Après Blue Stream, un second gazoduc relie désormais la Russie et la Turquie. Il devrait à terme alimenter l'Europe du Sud et les Balkans. Ces projets provoquent la fureur de Washington qui appelle les Européens à s'y opposer.

Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan inaugurent ce 19 novembre depuis Istanbul et par visioconférence, le gazoduc TurkStream. Il relie désormais la Russie et la Turquie via une conduite sous-marine à travers la mer Noire. Sa construction, entièrement financée par le groupe énergétique russe Gazprom pour un montant de 7 milliards d’euros, a débuté en juin 2017.

TurkStream prend son départ près de la ville russe d’Anapa sur la rive orientale de la mer noire. Il parcourt ensuite près de 930 kilomètres sous la mer, majoritairement dans la zone maritime turque, et aboutit, à Kiyiköy à une centaine de kilomètres d’Istanbul sur les côtes de la Thrace orientale, partie européenne du territoire turc. Il doit être complété par un tronçon terrestre en Turquie qui sera financé à parts égales par le groupe Gazprom et le groupe énergétique public turc Botas. Il aboutira à la frontière grecque via le terminal existant de Luleburgaz.

Le projet TurkStream a été annoncé par Vladimir Poutine en décembre 2014 à l’occasion d’un voyage en Turquie en même temps que l’abandon de South Stream, projet antérieur de gazoduc qui devait aussi passer sous la mer Noire mais aboutir en Bulgarie. Sous la pression de l’Union européenne Sofia avait finalement refusé.

Le démarrage de la construction de TurkStream, initialement prévu fin 2015, a été retardé par la crise diplomatique russo–turque qui a éclaté en octobre 2014, quand un Sukhoï russe a été abattu par l’aviation turque au-dessus de la frontière turco-syrienne.

La Turquie était déjà reliée à la Russie par un autre gazoduc, Blue stream, également sous-marin, mais d’un trajet plus court et qui aboutit sur la côte anatolienne. Plus de 100 milliards de mètres cubes de gaz ont déjà transité par lui depuis sa construction.

TurkStream doit désormais être complété par le projet de gazoduc Tesla, du nom de l'ingénieur et inventeur américain d’origine serbe Nikola Tesla. Il doit traverser la Grèce, l’Ancienne république yougoslave de Macédoine, la Serbie et la Hongrie, puis atteindre le centre d’interconnexion gazière Baumgarten à Vienne en Autriche. Les Etats-Unis voient d’un très mauvais œil la progression des tuyaux de Gazprom vers l’Europe pour des raisons politiques mais aussi commerciales.

La dernière réaction de Washington à l’avancement du projet est d’ailleurs venue du secrétaire à l’Energie Rick Perry. Le 13 novembre il a appelé la Hongrie et ses voisins à rejeter les gazoducs russes qui, selon Washington, sont utilisés pour renforcer l'emprise de Moscou sur l'Europe centrale et orientale. «La Russie utilise un projet de gazoduc Nord Stream 2 et un flux turc multi-ligne pour tenter de renforcer son contrôle sur la sécurité et la stabilité de l'Europe centrale et orientale», a ajouté Rick Perry lors d'une visite à Budapest.

Toutefois, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, cité par l’agence Reuters avait déclaré, peu avant, que TurkStream était une bonne nouvelle pour la Hongrie, laquelle dépend à 80% du gaz russe pour le moment acheminé via le gazoduc Fraternité qui passe par le territoire ukrainien. La coopération énergétique de la Russie avec la Hongrie prévoit aussi la construction d’une centrale nucléaire.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) américain peine à se faire une place sur le marché européen où les prix du gaz sont plus bas qu’en Asie. Au premier trimestre 2017 le GNL américain, importé via des méthaniers géants depuis le golfe du Mexique, avait réussi à s’offrir une part de marché de 6%, mais celle-ci est tombée depuis à 1%.  

Jean-François Guélain

Lire aussi : Nord Stream 2 : les Etats européens vont-ils résister à la pression américaine ?