Economie

«Nous ne sommes pas des têtes brûlées» : Rome défend son budget face à Bruxelles

En matière budgétaire, le gouvernement italien n'a pas cédé et s'affranchit de la Commission européenne pour fixer lui-même ses propres objectifs. Pour autant, Rome martèle qu'elle ne compte ni sortir de l'Union européenne, ni de la zone euro.

Malgré les critiques de la Commission européenne, la coalition au pouvoir en Italie a maintenu inchangées ses prévisions de budget, tout en s'engageant à respecter à la lettre les objectifs qu'elle s'est fixés, sans creuser davantage la dette. Alors que Bruxelles l'avait sommée de lui fournir ce 22 octobre des clarifications sur son budget, jugé hors des clous européens, l'Italie a donc maintenu le cap.

Dans le détail, le gouvernement italien a décidé unilatéralement, malgré l'avis contraire de Bruxelles, de creuser le déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour le précédent gouvernement, puis à 2,1% en 2020 et à 1,8% en 2021. Dans le même temps, Rome s'est engagé à porter la dette publique, actuellement à quelque 131% du PIB, à 126,5% en 2021. L'Italie s'engage donc a respecter la feuille de route qu'elle s'est elle-même fixée. «Le chiffre de 2,4% pour nous est un plafond que nous nous sommes solennellement engagés à respecter», a affirmé le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, lors d'une rencontre avec la presse étrangère à Rome. Pour le président du Conseil des ministres, c'est sans doute une revanche, si l'on se souvient que son euroscepticisme lui avait valu, en mai 2018, d'être un temps écarté du gouvernement au profit d'un ancien cadre du Fonds monétaire international, sous la pression de l'Union européenne.

Une décision difficile mais nécessaire

Dans une lettre de quatre pages, le gouvernement a souligné qu'il savait que ce budget n'était pas en ligne avec les normes du Pacte de stabilité et de croissance européen. «C'était une décision difficile mais nécessaire à la lumière du retard pour retrouver le niveau de PIB d'avant la crise et des conditions économiques dramatiques dans lesquelles se trouvent les couches les plus désavantagées de la société italienne», a assuré l'exécutif italien.

«Nous ne sommes pas une bande de têtes brûlées. Si nous avions adopté une loi de finances différente, nous serions entrés en récession», a souligné Giuseppe Conte, ajoutant que Rome souhaitait maintenir un «dialogue constructif» avec les institutions européennes.

En face de la troisième économie de la zone euro, Bruxelles paraît de son côté prêt à faire des concessions, bon gré mal gré. «[La Commission] ne veut pas d'une crise entre Bruxelles et Rome», a ainsi assuré ce même jour le commissaire européen Pierre Moscovici sur France Inter. «La place de l'Italie est au cœur de l'Europe», a-t-il ajouté.

Pas d'«Italexit», promet Giuseppe Conte

L'exécutif italien a réaffirmé son attachement à l'Union européenne et à la zone euro. «Lisez bien sur mes lèvres : pour l'Italie, il n'y a aucune chance d'Italexit, de sortie de l'Europe ou de l'eurozone», a martelé, en anglais, le président du Conseil des ministres Giuseppe Conte.

Si Rome a décidé d'accroître son déficit, c'est pour financer une série de mesures qui figuraient dans le programme de coalition formée par le M5S (anti-système) et la Ligue (droite anti-immigration). Parmi celles-ci figure l'emblématique revenu de citoyenneté, souhaité par le M5S. L'accord budgétaire du gouvernement italien prévoit, en effet, l'introduction d'un revenu mensuel de 780 euros destiné aux personnes les plus modestes, afin de favoriser leur réinsertion sur le marché du travail.

Fait notable, contrairement à la France, le déficit budgétaire de l'Italie trouve une contrepartie solide dans un excédent commercial substantiel de 47,4 milliards d'euros en 2017, les finances italiennes étant principalement plombées par la dette publique et une crise bancaire persistante.

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