Repousser l'âge de la retraite, une mesure contre-productive ? Plus on travaille vieux, plus on coûte cher à la société : c'est en substance ce que révèle le rapport de l'Assurance maladie publié le 31 juillet. Dans celui-ci, on peut noter que la moyenne, pour les arrêts maladie indemnisés en 2016, est de 35 jours par an, toute catégorie d'âge confondue. Mais pour les salariés qui ont plus de 60 ans, ce nombre moyen explose à 76 journées.
Les différents graphiques montrent que plus un salarié avance en âge, et plus il voit sa moyenne de journées indemnisées progressivement augmenter. Toutefois, un écart se creuse après l'âge de 60 ans. En effet, pour les salariés qui ont entre 55 et 59 ans, la moyenne de journées indemnisées est de 52, soit, certes, 17 de plus que la moyenne, mais 24 de moins que les soixantenaires. «L’une des tendances de fond sur la période [2010-2016] est la croissance de la place des personnes de 60 ans et plus dans les arrêts maladie», explique ainsi le texte, qui relève que cette catégorie d'âge représente «7,7% des montants indemnisés en 2016 contre 4,6% en 2010».
Tout cela pourrait, selon le rapport, être une conséquence de la réforme des retraites de 2010, présentée par l'ancien ministre du Travail Eric Woerth, qui a porté de 60 à 62 ans l'âge de départ légal à la retraite : «L’évolution de la structure d’âge des arrêts peut être la conséquence des réformes des retraites car elles ont augmenté la participation des personnes les plus âgées au marché du travail. En effet, selon les données de l’Insee, le taux d’activité de la population des 55-64 ans est passé de 41,7 % au premier trimestre 2010 à 54,1% au dernier trimestre de 2016.» Le coût plus élevé d'un salarié sénior dans les dépenses de santé s'explique en outre par plusieurs facteurs. Plus le salarié vieillit, plus la durée de son arrêt est en moyenne long. Etant en fin de carrière, il bénéficie, en règle générale, d'un salaire également plus élevé qu'en début de vie active, ce qui implique des indemnités elles aussi supérieures. Par voie de conséquence, la tendance va naturellement à l'augmentation du coût des arrêts maladie et des arrêts de travail. Selon des chiffres donnés par le journal Les Echos, celui-ci est passé de 6,3 à 7,1 milliards d'euros entre 2013 et 2016. Pour les derniers chiffres disponibles, sur la période allant de juin 2017 à juin 2018, le montant s'élève à 10,4 milliards d'euros.
Un rapport qui contredit les projections néolibérales
Pourtant, certains tenants néolibéraux tentent d'insuffler l'idée que le système social ne pourrait tenir qu'en rallongeant la durée du travail. Le patronat avec le Medef ou l'institut néolibéral de l'Ifrap préconisent tous deux de repousser l'âge légal du départ à la retraite à 65 ans. Une perspective qui pourrait donc s'avérer coûteuse pour la société et risquée financièrement sur le long terme.
Emmanuel Macron avait promis, durant la campagne présidentielle, de préserver l'âge de la retraite à 62 ans pour la prochaine réforme du système, prévue pour 2019. Reste à savoir s'il cédera aux sirènes néolibérales ou s'il s'en tiendra au pragmatisme économique.
Bastien Gouly