Oubliée, la menace russe supposée qui justifie pour les Occidentaux un déploiement militaire sans précédent de l'OTAN en Europe ? Sans doute non, mais sur le volet économique, le ressort de la justice américaine qui se saisit d'affaires en dehors de ses frontières semble toujours échauder les Européens, et la France en particulier.
Les intérêts des Européens et, plus particulièrement la France, doivent être préservés
Selon l'agence TASS, Sylvie Bermann, ambassadeur de France à Moscou, a dénoncé sans ambages l'extraterritorialité autoproclamée du droit américain. «Nous n'acceptons pas le caractère extraterritorial des sanctions américaines», a-t-elle déclaré ce 16 janvier 2018 lors du Forum Gaïdar, qui réunit chaque année des universitaires et économistes à Moscou. «Les intérêts des Européens et, plus particulièrement la France, doivent être préservés», a ajouté la diplomate, dépassant ainsi le seul dossier des sanctions décidées unilatéralement par Washington contre la Russie.
Réparer les pots cassés ?
Ce n'est pas la première fois que les autorités françaises dénoncent l'extraterritorialité des lois américaines depuis l'élection d'Emmanuel Macron, tandis que le gouvernement français tente de relancer les échanges commerciaux avec la Russie. En octobre 2017, Bruno Le Maire appelait l'Union européenne à se doter d'un «dispositif de riposte» à celle-là.
Il faut dire que plusieurs fleurons français, tels qu'Alstom – avant son démantèlement – Technip ou Crédit Agricole, ont été contraints par le passé à se plier aux décisions du Département de Justice américain. En 2015, BNP Paribas avait ainsi écopé d'une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir effectué des transactions interdites dans la monnaie américaine. Une raison suffisante pour la justice américaine de poursuivre le géant bancaire français, dans ce qui ressemble à une guerre économique de Washington contre ses alliés.
Si l'Union européenne avait suivi dans un premier temps les Etats-Unis dans sa politique de sanctions économiques contre la Russie en 2014, les nouvelles sanctions américaines unilatérales de juillet 2017 ont changé la donne. Alors que Bruxelles tirait la sonnette d'alarme, évoquant une décision non concertée, et avait même brandi la menace de représailles à l'encontre de Washington, Paris était allé jusqu'à juger les sanctions américaines contraires au droit international.
Alexandre Keller