La civilisation multimillénaire chinoise a créé le Mianzi, l'art de ne pas faire perdre la face à son adversaire, concept dont on prétend souvent qu'il échappe aux hommes d'affaires occidentaux... La visite officielle de Donald Trump en Chine, ce 9 novembre 2017, en serait-elle un exemple ?
Le déplacement du président américain a été couronné par une pluie de contrats pour un montant astronomique de 253,4 milliards de dollars – l'équivalent d'environ 216 milliards d'euros. Les secteurs concernent l'énergie, l'aéronautique, l'agroalimentaire ou l'électronique et des géants américains tels Boeing, DowDuPont, Caterpillar ou encore Qualcomm en seront les heureux bénéficiaires.
Tout sourire, Donald Trump, qui avait fait de l'excédent commercial chinois l'un de ses boucs émissaires récurrents pendant sa campagne présidentielle, a assuré qu'il ne jetait pas la pierre à Pékin. «Qui peut reprocher à un pays de profiter d'un autre pays pour le bien de ses citoyens ?», a observé le président américain, en allusion à ses nombreuses diatribes passées contre la Chine.
Elu il y a tout juste un an, Donald Trump avait fait de la lutte contre la puissance industrielle et commerciale de la Chine l'un de ses chevaux de bataille lors de la campagne électorale, ne trouvant pas de mots assez durs pour dénoncer les effets délétères de la compétitivité chinoise sur l'économie américaine. D'après le candidat Trump, la Chine manipulait sa monnaie, le yuan, dans le but malintentionné d'«affaiblir la base industrielle des Etats-Unis. «La Chine s'est enrichie grâce aux Etats-Unis», pestait-il alors, oubliant que l'Empire du milieu contribue aussi à éponger le déficit budgétaire américain en achetant des bons du Trésor. «[La Chine] s'est reconstruite grâce à l'argent et aux emplois qu'elle a pompés ici», accusait-il encore, ajoutant même : «C'est le plus grand vol de l'Histoire du monde»...
Commerce international : les Etats-Unis surclassés par la Chine
Déjà touchés par la désindustrialisation, les Etats-Unis avaient en effet été marqués en 2016 par les difficultés emblématiques de plusieurs géants de la grande distribution classique, mis à mal par la concurrence de la vente en ligne. En janvier 2016, Wallmart annonçait ainsi la fermeture de 269 magasins physiques dans le monde et la suppression de 16 000 postes dont 10 000 aux Etats-Unis. Et le mouvement se poursuit inéluctablement. En octobre 2017, la filiale canadienne d'un autre géant américain de la distribution fondé à la fin du XIXe siècle, Sears-Kmart, jetait à son tour l'éponge, pour se placer en faillite.
Depuis son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce en 2001, la Chine n'a fait qu'une bouchée des Etats-Unis. Le déficit commercial américain avec la Chine était ainsi de 50 milliards pour l'année 2001, contre 365 pour l'année 2015. En 2017, l'excédent commercial de la Chine vis-à-vis des Etats-Unis s'élève déjà à 223 milliards de dollars. De quoi relativiser les 250 milliards d'accords signés à Pékin ce 9 novembre.
Alexandre Keller