Economie

L'Assemblée vote la transformation de l'ISF, «la France du fric peut jubiler», selon Mélenchon

Les députés ont voté le 20 octobre à l'Assemblée nationale la mesure qui supprime l'ISF pour le remplacer par un impôt sur la seule fortune immobilière. Alors que la droite salue son adoption, la gauche elle, évoque «une mesure pour les riches».

Adieu l'ISF, bonjour l'IFI, le fameux «impôt sur la fortune immobilière» : les députés ont voté le 20 octobre, après des semaines de polémique, la réforme la plus controversée du budget 2018, en dépit de la vive opposition de la gauche à «un cadeau aux plus riches». 

Au terme d'une journée de débats de fond, passionnés mais sans esclandre, cette réforme a été approuvée, en première lecture, par 77 voix contre 19. Tout comme la majorité LREM-MoDem, LR et les Constructifs ont voté pour, mais en regrettant que l'ISF n'ait pas été «supprimé», alors que Nouvelle gauche, Insoumis et communistes ont voté contre.

L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), payé aujourd'hui par 350 000 foyers au patrimoine net supérieur à 1,3 million d'euros, sera remplacé par un nouvel impôt, au même seuil et même taux mais réduit à la seule fortune immobilière (sans les actions et obligations, entre autres).

Cela devrait entraîner un manque à gagner de près de 3,2 milliards d'euros pour l’Etat. En 2016, l'ISF a rapporté près de 5 milliards.

Pour le ministre des Finances Bruno Le Maire, avec ce vote, c'est «un totem idéologique vieux de 35 ans, qui était devenu inefficace et complexe qui va tomber».

Comme Bruno Le Maire, les élus de La République en marche (LREM) ont plaidé pour «un nouveau modèle fiscal qui récompense le risque» et favorise «l'économie productive».

Après avoir tenté de modifier le périmètre du nouvel impôt, le MoDem a jugé «important de respecter un engagement de campagne», selon son chef de file Marc Fesneau.

«Quinquennat des riches»

A la suite de ce vote, les réactions politiques ne se sont évidemment pas fait attendre. La gauche a dénoncé «l'une des plus mauvaises idées du vieux monde, Reagan-Thatcher».

«Le capitalisme du bon sens que vous invoquez n'existe plus», a lancé le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, pour qui «ce vote va marquer le quinquennat».

Sur les réseaux sociaux, le leader de La France insoumise a fustigé la mesure en proclamant que «le quinquennat des riches» commençait «en fanfare». Et d'ajouter : «la France du fric peut jubiler et dire merci aux fainéants qui sont condamnés à lui payer la dîme.»

Pour le communiste Jean-Paul Lecoq, «la droite en avait rêvé et Emmanuel Macron le fait». «Les cadeaux ne sont pas fléchés vers l'investissement, ce sera "à vot' bon cœur mesdames et messieurs les riches"», a renchéri le chef de file des socialistes Olivier Faure.

La gauche a cependant obtenu que certains chiffres soient communiqués, après réclamation d'une centaine de parlementaires (PS, Insoumis, communistes) et du président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde. 

Bruno Le Maire a ainsi précisé : «Les 100 premiers contributeurs à l'ISF payent 126 millions d'euros.»

«100 plus gros contribuables à l'ISF vont économiser [chacun] 1,26 million/an», a alors tweeté la députée du Parti socialiste Christine Pirès-Beaune. Leur patrimoine immobilier pourra toutefois être soumis à l'IFI.

Les Républicains, dont Gilles Carrez et Eric Woerth, et les Constructifs, comme l'UDI Charles de Courson, ont déploré que le gouvernement «n'aille pas jusqu'au bout». Ils ont dénoncé l'impact du nouvel IFI sur «les classes moyennes» et les «propriétaires», annonçant qu'ils «saisiraient le Conseil constitutionnel pour rupture d'égalité».

«Quand on a une résidence principale à 1,7 million d'euros [seuil d'entrée dans l'IFI avec l'abattement de 30%], on n'est pas dans les classes moyennes», a répondu Perrine Goulet (LREM). «Politiquement, nous voulons ne rien changer à la fiscalité de l'immobilier», a assumé Amélie de Montchalin (LREM). 

Pour éviter «des effets d'aubaine», la majorité a fait voter des «amendements d'ajustement» sur certains «signes extérieurs de richesse».

Les députés ont taxé, de 30 000 à 200 000 euros par an, les résidents français propriétaires de bateaux de plaisance de plus de 30 mètres, dont le produit ira alimenter la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) selon un amendement du chef de file LREM Richard Ferrand. 

Ils ont également fait passer de 10 à 11% la taxe sur la cession des métaux précieux et créé une taxe additionnelle, plafonnée à 8 000 euros, pour les voitures de sport, à partir de 36 chevaux fiscaux, à l'exception «des véhicules de collection».

Ces amendements ne rapporteront toutefois pas plus de 50 millions d'euros, «une goutte d'eau», pour Luc Carvounas (PS), «purement symbolique» pour Damien Abad (LR).

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