Economie

Alstom : à la date butoir, le gouvernement confirme sa sortie du capital de l'ex-fleuron français

L'Etat, qui avait jusqu'à ce 17 octobre pour faire jouer son droit d'achat sur des titres prêtés par le groupe Bouygues, ne l'a pas exercé. Ce désengagement suscite un tollé dans l'opposition, inquiète du sort des «champions industriels français».

L'Etat français sortira de fait, ce 17 octobre, du capital d'Alstom. A cette occasion, le gouvernement a une nouvelle fois défendu sa stratégie de désengagement en vue de la fusion du groupe ferroviaire français avec l'allemand Siemens. 

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a jugé inutile de maintenir une présence minoritaire de l'Etat au conseil d'administration d'Alstom, jugeant que cela lui coûterait cher sans lui donner de moyens d'action. «Faire monter l'Etat français au capital d'Alstom, ça a un coût qui est très élevé, supérieur à un milliard d'euros, qui ne nous donnerait au conseil d'administration d'Alstom qu'un strapontin, sans capacité de décision», a-t-il fait valoir ce même jour, promettant un «comité de suivi», qu'il présiderait lui-même.

Depuis le rachat en 2014 par l'américain General Electric des activités énergétiques d'Alstom, l'Etat contrôlait provisoirement 20% d'Alstom, ces titres lui ayant été prêtés par le groupe Bouygues. L'Etat avait la possibilité jusqu'à ce 17 octobre d'exercer une option d'achet sur ces titres. Mais il avait déjà annoncé en septembre dernier ne pas en avoir l'intention lors de l'annonce du rachat des activités ferroviaires d'Alstom par Siemens, condition sine qua non pour que Siemens accepte le rapprochement. Par ailleurs, selon Europe 1, Emmanuel Macron, alors Secrétaire général de l'Elysée auprès de François Hollande, avait résumé ses intentions dès 2014, alors que le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg proposait de nationaliser 20% d'Alstom : «Nous ne sommes quand même pas au Venezuela».

L'opposition arrive après la bataille

Le démantèlement du fleuron technologique français, initié en 2014 avec la vente de la branche énergie – et stratégique – d'Alstom, ne va pas sans susciter de vives réactions au sein de la classe politique. La décision de ne pas racheter les titres de Bouygues a été critiquée par plusieurs responsables politiques au motif qu'elle priverait l'Etat d'un moyen de contrôler les garanties promises par Siemens, et en premier lieu par l'ex-ministre de l'Economie Arnaud Montebourg. Ce dernier juge même l'actuel locataire de Bercy, Bruno Le Maire, susceptible d'être visé par des poursuites pénales pour négligences.

Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français (PCF), a appelé de son côté à faire du combat des salariés de GE Hydro/Alstom de Grenoble contre le plan social qui les menace, une «question nationale» sur l'outil industriel lâché par le gouvernement.

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Les députés LR demandent une commission d'enquête sur la politique industrielle

Après les cas de fusions comme Alstom- Siemens, Alcatel-Lucent ou STX-Fincantieri, les députés Les Républicains (LR) ont demandé ce 17 octobre une commission d'enquête parlementaire sur la politique industrielle de l'Etat et sur les moyens à disposition pour protéger les fleurons industriels français dans la mondialisation, d'après une source parlementaire citée par l'AFP.

Le chef de file du groupe LR au Palais Bourbon, Christian Jacob, a annoncé qu'il comptait user de son droit de tirage [l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête], lors de la conférence des présidents réunissant les chefs des groupes politiques autour du président de l'Assemblée nationale. «[Plusieurs] rachats successifs soulèvent d’importantes questions sur la capacité de l’Etat à défendre tant nos champions industriels que nos intérêts stratégiques», soulignent les députés LR dans leur proposition de résolution. Mieux vaut tard que jamais ?

Alexandre Keller

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