Economie

Donald Tusk se réjouit des indicateurs économiques européens... mais oublie les pauvres

Sur Twitter, le président du Conseil européen s’est félicité de la bonne santé économique de l’Union européenne sans rien dire de l’accroissement des taux de pauvreté, y compris en Allemagne. Certains indicateurs n'ont donc pas capté son attention.

«L’UE est en croissance et créé des emplois. Les jeunes Européens doivent être les premiers à bénéficier de la relance», s’enthousiasme Donald Tusk, président du Conseil européen, le 14 août sur son compte twitter officiel, ajoutant le mot dièse #YouthDay en référence à la Journée internationale de la jeunesse du 12 août.

A l’appui de son diagnostic et de ses vœux, Donald Tusk publie une infographie de chiffres encourageants sur l’économie de l’Union européenne : +10 millions de personnes au travail du 1er trimestre 2013 au 1er trimestre 2017 ; + 2,2% de croissance au deuxième trimestre 2017 (+2,1% pour la seule zone euro) ; 7,7% de taux de chômage pour l’UE et 9,1% pour la zone euro, respectivement les taux les plus bas depuis 2008 et 2009. Enfin, sans donner de chiffres, le graphique mentionne que, tant pour l’Europe des 28 que pour la seule zone euro, les déficits publics continuent de baisser.

Mais ces chiffres d’Eurostat, l’organisme statistique rattaché à la Commission européenne, ne rendent pas compte d’une situation économique contrastée sur le Vieux Continent et notamment d’une croissance de la pauvreté.

Ainsi, en France, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 7,8 millions en 2000 à 8,8 millions en 2016. Une situation à laquelle la chaîne Public-Sénat avait consacré un bref reportage «Hausse de la précarité en France : le Secours catholique interpelle les politiques», en novembre 2016, relayant un cri d’alarme du Secours catholique à l'attention des candidats à l’élection présidentielle de 2017.

En Allemagne aussi, la pauvreté explose, et ce, malgré une croissance tonique de 1,9% en 2016, un excédent commercial record de 252,9 milliards d'euros et un taux de chômage au plus bas (5,8% en mars 2017). On compte désormais 13 millions de pauvres dans la première économie européenne, soit 17% de la population (contre 14% en France). C’est un plus haut depuis la réunification en 1990 et un chiffre en croissance constante depuis 2006 où le taux de pauvreté était de 13%. Et surtout, cette pauvreté touche près de 10% des personnes ayant un emploi. Une situation qui s’explique, entre autres, par les réformes du marché du travail menées de 2003 à 2005 par l’ancien chancelier social-démocrate (SPD) Gerhard Schröder et en particulier par la création d’emplois de courte durée non soumis aux cotisations sociales.

Outre-Rhin, ce fléau concerne également 15,9% des retraités, contre à peine 10,7% en 2005, soit une hausse de 49% en dix ans. Cette situation ne devrait pas s’arranger, car la réforme des retraites lancée en 2005 prévoit une baisse continue des allocations qui devraient passer de 48% du salaire net moyen à l’heure actuelle, à 44% en 2030.

Dans son rapport annuel paru en mai dernier, le Fonds monétaire international (FMI) s’alarmait de l’augmentation de la pauvreté en Allemagne. «Malgré un filet de sécurité sociale bien développé et une forte progression de l’emploi, le risque de pauvreté relative [en Allemagne] demande une attention continue», estimait l'institution issue des accords de Bretton Woods. Elle préconisait même de mettre en place sans tarder une série de mesures telles que l’augmentation des salaires, un allègement des charges pour les revenus plus faibles ou encore, à l’inverse, une hausse des impôts pour les plus fortunés. Un programme révolutionnaire et qui constituerait une rupture avec les politiques économiques mises en place en Allemagne depuis plusieurs décennies.

«Mini-jobs» en Allemagne, «contrats verts» au Portugal, «contrats exceptionnels» en Italie, remise en cause du Code du travail en France ; partout en Europe les législations convergent vers un assouplissement des règles du marché du travail recommandé par la Commission au nom de la lutte contre le chômage. Mais ces sacrifices consentis à la sacro-sainte croissance semblent avoir un prix, qu'omet Donald Tusk dans son tweet : celui de l'appauvrissement et de la précarisation d'un nombre croissant d'Européens.

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