Economie

La Cour constitutionnelle russe refuse d’indemniser Ioukos malgré la décision de la CEDH

La Cour constitutionnelle russe a jugé que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d'indemniser les anciens actionnaires de Ioukos à hauteur de plus de 2 milliards de dollars était contraire à la Constitution russe.

«La Russie a le droit de ne pas respecter les obligations qui lui sont imposées lorsque c’est le seul moyen de ne pas agir contre la Constitution», a déclaré le président de la Cour constitutionnelle russe, Valeri Zorkine.

Le juge a également noté que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait ordonné que le montant de cette indemnisation soit prélevée sur le budget de l'Etat qui avait été, en raison des schémas de fraude fiscale développés par Ioukos, largement sous-financé en 2007. Une situation qui est l'orgine de la dissolution de la société. «Cela contredit les principes constitutionnels d’égalité et de justice», a-t-il fait remarquer.

Dans le même temps, le président de la Cour a souligné que le système européen de protection des droits de l’homme était une valeur fondamentale et qu'il serait préférable que les autorités russes et la Cour européenne trouvent un compromis.

La Cour constitutionnelle russe a néanmoins ajouté que les autorités russes pourraient faire preuve de bonne volonté et payer une partie des indemnités aux anciens actionnaires de l'ancien géant pétrolier russe sur la base du budget de l'Etat ou de la vente de biens publics.

Un représentant de Ioukos voit le «mépris» de la Russie pour le droit international

Jonathan Hill, représentant des intérêts de Ioukos, s'est insurgé contre cette décision de la Cour constitutionnelle. «La Russie montre une énième fois son mépris absolu pour l’Etat de droit. Aujourd’hui elle a violé la Convention européenne des droits de l’homme et les garanties de chaque personne pour la liberté et la justice», a-t-il confié à l'agence Interfax.

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Selon le droit russe, la Cour agit dans le cadre de la loi

En juillet 2014, la CEDH avait condamné la Russie à payer deux milliards de dollars de compensations aux anciens actionnaires de la société pétrolière Ioukos, dissoute en 2007 après que plusieurs dirigeants et propriétaires, dont le Pdg Mikhail Khodorkovski, eurent été emprisonnés pour fraude fiscale.

Le ministère russe de la Justice avait réagi en affirmant dans un communiqué que les autorités considéraient que cette décision n'était ni juste ni impartiale, promettant de solliciter l'avis de la Cour constitutionnelle pour savoir si elles devaient ou non se conformer à cette décision de justice.

La Cour constitutionnelle a donc examiné la requête des autorités et a jugé, conformément à une modification constitutionnelle datant de 2015, que la justice russe n'était pas contrainte de se plier à la décision de la CEDH concernant les actionnaires de Ioukos.

Concrètement, depuis la réforme validée en 2015 par le président russe, Vladimir Poutine, les décisions de tout tribunal international ne peuvent être exécutées en Russie que dans la mesure où elles ne vont pas à l'encontre de la souverainté nationale, incarnée dans la Constitution et qui reste supérieure à toute norme de droit international.