Le 16 novembre, l’Espagne se réveillait choquée par une terrible nouvelle. Rosa, 81 ans, avait trouvé la mort dans l’incendie de son appartement. Sans électricité, elle s’était servie d’une bougie pour s’éclairer et a accidentellement mis le feu à son domicile.
Ce terrible drame a remis au premier plan le problème de la précarité énergétique chez les Ibères. Selon de nombreuses associations, des millions de citoyens ne sont plus en mesure de payer pour s’éclairer, se chauffer ou encore avoir accès à l’eau potable. Une situation qui a poussé la députée socialiste Pilar Lucio à demander au gouvernement la mise en place d’une «trêve hivernale» pour les personnes vulnérables.
Phénomène en augmentation
Selon l’Institut national des statistiques espagnol, en 2015, 10,6% de la population n’était pas en mesure de chauffer correctement son domicile. Cela représente plus de quatre millions de personnes. En 2008, ce chiffre n’était que de 5,9%. Depuis, la crise est passée par là. Sans parler de l'augmentation de 30 à 50% des prix de l’énergie depuis 2006.
Comme le rapporte l’AFP, Pedro Martinez, un Espagnol de 48 ans, vit dans une situation de précarité énergétique depuis des années. Ayant perdu son emploi en 2013, il survit avec une pension de 426 euros par mois ainsi que ce qu’il lui reste de ses indemnités de licenciement.
Divorcé, il vit dorénavant avec son fils de 20 ans et sa fille de 23 ans handicapée mentale. Dans son domicile d’un quartier ouvrier de Barcelone, il n’y a pas de chauffage et on utilise la lumière uniquement lorsque c’est vraiment nécessaire. «En hiver c’est difficile. On a juste un radiateur électrique indépendant que l’on allume rarement par peur des factures», explique-t-il. Avant d’ajouter : «On frissonne parfois jusqu’à l’os. On porte des manteaux la nuit et on met les couvertures que l’on a.»
Le cas de Pedro est loin d’être isolé. Comme le rapporte Tere Bermudez, porte-parole de l’association catholique Caritas, «pour beaucoup de familles, l’eau, la lumière ou le gaz sont devenus des produits de luxe». Elle assure qu’entre 2007 et 2015, le nombre de factures que son organisation a aidé à payer a été multiplié par 30.
Mohamed Chairi, un Marocain de 37 ans en a bénéficié. «On se lave une fois par semaine, le vendredi, comme ça les enfants sont propres pour le week-end», avoue-t-il.
Des prix excessifs
Déjà violemment touchée par la crise, l’Espagne pratique également des prix élevés en matière d’énergie. Selon la Commission européenne, l’année dernière, les prix du gaz et de l’électricité en vigueur dans le pays étaient respectivement les troisième et quatrième plus élevés de l’Union européenne.
Il n’existe aucune loi au niveau national pour protéger les plus faibles des conséquences de la précarité énergétique. Cependant au niveau local, on voit certaines initiatives se mettre en place. Dans le nord-est de la Catalogne, une loi en vigueur stipule que les compagnies d’énergie doivent notifier les services sociaux avant de procéder à une coupure. Si la personne concernée est répertoriée comme vulnérable, le passage à l'acte est évité.
Dans le cas de Rosa, la loi n’a pas été respectée. Comme l’a avoué la société Gas Natural, elle n’a pas prévenu les services sociaux avant de réaliser la coupure. Et la mort de l’octogénaire espagnole n’est qu’une parmi d’autres sur une liste qui a tendance à dangereusement s’allonger.
Jose Luis Lopez, porte-parole de l’Association de la science environnementale, estime qu’environ 7 100 personnes meurent de la précarité énergétique chaque année en Espagne.
En Catalogne, les pompiers craignent d’autres accidents du type de celui qui a coûté la vie à Rosa. «On a des cas où des gens se chauffent avec des petits feux faits à partir de journaux et même de chaussures en toile», s’alarme Antonio del Rio, porte-parole des pompiers.
L’année dernière, 600 000 foyers ont vu leur électricité coupée selon l’association de consommateurs Facua. Pedro Martinez perd espoir : «On parle beaucoup d’améliorer les choses mais dans les faits, on ne voit rien.»