Economie

La Banque centrale européenne a-t-elle outrepassé son mandat ? Des juges allemands enquêtent

Des juges suprêmes allemands vont continuer à enquêter à partir de mardi prochain sur un programme de rachat d'obligations d'Etat par la Banque centrale européenne (BCE). Les législateurs vont déterminer sa conformité avec la constitution allemande.

Alors que l'institution monétaire n'en finit pas d'étendre ses prérogatives, la Cour constitutionnelle allemande, basée à Karlsruhe dans le sud de l'Allemagne, va reprendre ses auditions. L'objet du litige est un programme anti-crise de la BCE.

Il s'agit de l'OMT, au moyen duquel la banque se donne le droit de racheter des obligations d'Etats en difficulté en quantité illimitée sur le marché secondaire, où s'échangent les titres déjà émis. Cette disposition a été adoptée en septembre 2012, au moment où la crise des dettes publiques faisait vaciller plusieurs pays de la zone euro, mais elle n'a encore jamais été utilisée.

«Tout faire» pour sauver l'euro

L'annonce de sa mise en place ainsi que la promesse faite par le président de la BCE Mario Draghi de «tout faire» pour sauver l'euro, avait suffi à faire redescendre les taux d'emprunts, notamment de l'Espagne et de l'Italie.

Un ex-député conservateur accompagné de plusieurs autres personnalités ont contesté l'OMT devant la Cour constitutionnelle, accusant la banque centrale de financer directement des Etats, ce que son mandat lui interdit.

De vives critiques ont déjà été émises par l'institution au sujet de la légalité du programme anti-crise de la BCE et «elle ne va probablement pas modifier son précédent jugement», a décrit un analyste chez Commerzbank, Michael Schubert, cité par l'AFP. En février 2014, dans un premier avis, la Cour avait identifié d'«importantes raisons» pour dire que la banque centrale agissait en dehors de son mandat. Les juges avaient toutefois décidé de soumettre plusieurs questions à la justice européenne avant de rendre leur verdict final.

«Rechercher un compromis» ?

En juin, elle avait au contraire conforté la banque centrale dans son action, en estimant que le dispositif visé relevait de la politique monétaire à part entière et n'était pas assimilable à une mesure de politique économique, qui doit rester le fait des gouvernements.

Les juges allemands, soucieux d'éviter une confrontation avec leurs pairs européens, pourraient maintenant «rechercher un compromis», a ajouté Michael Schubert. Après tout, ce sont eux qui avaient sollicité l'avis de la justice européenne sur cette affaire. Les juges constitutionnels allemands pourraient par exemple accepter les conclusions de la Cour européenne tout en rejetant le raisonnement, ou se réserver le droit de rééxaminer la situation en cas de nouveau développement.

Plusieurs économistes allemands de renom, donc Clemens Fuest, président de l'institut Ifo, se sont inquiétés d'une éventuelle validation de l'OMT par la Cour, qui pour eux équivaudrait à donner un blanc-seing à l'action de la BCE. «On risque d'aiguiller (la zone euro) dans la mauvaise direction», expliquent ces économistes, qui craignent que certains Etats européens poursuivent une politique budgétaire débridée en faisant tourner la planche à billets plutôt que de réformer leurs économies. La décision de la cour suprême allemande n'est pa attendue avant plusieurs mois.

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