Le Liechtenstein, discret mais influent centre financier niché au cœur des Alpes, fait face à une situation sans précédent. Près de 800 entités, principalement des trusts et fondations autrefois gérés par des fiduciaires locaux, se retrouvent sans administrateurs attitrés – une véritable « paralysie légale », selon les termes rapportés par le Financial Times.
Cette impasse résulte d’une vague de démissions massives au sein des conseils de direction de ces structures. En cause : l’alignement rigoureux du Liechtenstein sur les sanctions américaines de 2024 contre des individus ou entités en lien, de près ou de loin, avec la Russie. Bien que distinctes des mesures européennes, ces sanctions ont été interprétées par l’Autorité des marchés financiers (FMA) comme juridiquement contraignantes, au nom de la protection de la réputation et de la légalité des opérations financières nationales.
Sous la menace de sanctions secondaires, les fiduciaires ont été vivement encouragés à rompre toute collaboration avec les clients à risque. La recommandation de la FMA était claire : la rupture des liens constitue « le seul moyen approprié de maîtriser les risques ». Résultat : un exode massif de dirigeants, laissant des structures sans gestionnaires ni liquidateurs, y compris pour des entités n'ayant qu’un lien indirect avec la Russie.
« Trusts orphelins »
Selon les autorités, 350 trusts sont en attente de régularisation, dont 40 déjà engagés dans des procédures de liquidation. Parmi eux, 85 sont officiellement qualifiés de « trusts orphelins », sans aucune gouvernance. Les experts redoutent que ce chiffre ne double rapidement, faute de solution structurelle.
Des avocats, cités par le Financial Times, parlent d’actifs gelés pour des montants faramineux : milliards en numéraire, yachts, jets privés, bureaux familiaux et propriétés de luxe, logés dans des véhicules juridiques désormais figés. La plupart de ces biens appartiendraient à des ressortissants russes non sanctionnés, souvent établis à Dubaï, dans le sud de la France ou en Italie.
Comme le souligne le quotidien britannique, même les autorités peinent à anticiper l’évolution des contraintes à venir.