Economie

Dette souveraine : le taux d’emprunt de la France a dépassé celui de Grèce

Sur les marchés financiers, le taux d'emprunt à dix ans de la France a dépassé celui de l’Espagne. Encore plus frappant, le taux d'emprunt sur cinq ans de la France a même dépassé celui de la Grèce. Un coup dur pour l'Hexagone, les États les plus puissants économiquement se voyant traditionnellement accorder des taux plus bas.

«Le statut de la France comme l’un des marchés obligataires les plus sûrs d’Europe risque de disparaître», estime ce 27 septembre l'agence Bloomberg. «Un gouvernement minoritaire fragile s’efforce de résoudre un problème de dette qui dure depuis des années», souligne-t-elle.

La cause de cet article aux accents assassins ? Le taux d’emprunt à dix ans de la France sur le marché obligataire qui, la veille, a dépassé celui de l’Espagne. Un coup dur pour l’orgueil de la France, qui se présente comme la deuxième puissance économique de l’UE – derrière l’Allemagne –, avec un PIB deux fois plus élevé que celui de son voisin espagnol.

C’est également une première depuis novembre 2006, a souligné de son côté la presse française. Celle-ci a expliqué cette «inversion» de «tendance» par l’instabilité politique et l’ampleur des déficits successifs du pays.

Un diagnostic partagé par Bloomberg, qui pointe notamment du doigt l’«impasse politique» qui a suivi la décision d’Emmanuel Macron de convoquer de nouvelles législatives «qui a finalement abouti ce mois-ci à une nouvelle coalition minoritaire». Cette détérioration du risque de crédit de la France «bouleverse la hiérarchie traditionnelle du marché de la dette souveraine de la zone euro», estime encore le groupe financier américain.

La France, nouveau cancre de la zone euro ?

L’agence renvoie aux projections de la Commission européenne, qui planche dans le cas de la France sur une aggravation de sa dette passant de 110,6% de son PIB en 2023 à 113,8% en 2025, et ce, alors que des pays tels que le Portugal et la Grèce, longtemps considérés comme des cancres de la zone euro et sur lesquels la responsabilité de la crise économique européenne avait été rejetée, voient leur dette continuer à drastiquement se réduire.

Le Portugal devrait ainsi passer, en 2025, sous la barre des 100% d’endettement. L’Italie, toutefois, semble suivre la même tendance que la France, avec un endettement qui devrait passer de 137,3% à 141,7% sur la même période. Quant à l’Allemagne, dont l’outil industriel est pourtant durement éprouvé par la hausse des coûts de l’énergie, celle-ci devrait voir son endettement diminuer, passant de 63,6% à 62,2% de son PIB.

Pour en revenir à la comparaison de départ entre la France et l’Espagne, le resserrage entre leurs taux d’emprunt sur le marché de la dette serait une tendance «assez continue depuis 2015», a relativisé auprès d’une agence de presse française Aurélien Buffault, directeur des gestions obligataires de Delubac AM. Celui-ci a également souligné un «mouvement d’amélioration de ces pays» du Sud, avec les finances desquels celles de la France sont parfois mises en parallèle. Parmi ces pays figure celui qui demeure considéré comme le pire comparatif possible : la Grèce.

Taux d’emprunt : la Grèce sur les talons de la France ?

Or, un rapprochement des taux d’emprunt entre la France et la Grèce a également été observé au cours de la semaine, a rapporté ce 27 septembre La Tribune. «La France a, par exemple, emprunté à six mois pour un taux de 3,12% le 23 septembre, quand la Grèce a emprunté à 2,85% pour une échéance similaire le 25 septembre», relate le journal économique et financier.

Même tendance observée le 26 septembre, a rapporté un quotidien français, avec un taux d'emprunt sur cinq ans s'établissant à 2,48% pour la France et 2,40% pour la Grèce.

«La Grèce, par exemple, a fait faillite en 2012, mais 12 ans plus tard, l’écart entre les taux d’emprunt français et grec n’est plus que de 0,16 point de pourcentage», a, de son côté, précisé Aurélien Buffault concernant cette fois-ci les taux d’emprunt à dix ans.

Outre ce faible écart que la France conserve avec la Grèce, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les taux d’emprunt à dix ans de la France et de l’Espagne sont les mêmes : 2,95%. Pour autant, le constat est frappant : si dans cette catégorie les taux d’emprunt ont baissé pour tous les pays européens, celui de la France a baissé moins vite que les autres, à l'exception du Royaume-Uni, dont le taux demeure par ailleurs le plus élevé, à près de 4%.

Un nouveau ministre français de l’Économie fier du bilan dont il hérite

«Je ne peux pas suivre l’argument selon lequel la France fait toujours partie du "noyau", ce n’est clairement pas le cas», a déclaré à Bloomberg Moritz Kraemer, économiste en chef de la banque allemande LBBW, ancien analyste principal des notations chez S&P Global Ratings. «Pas aux yeux des marchés, pas aux yeux des agences de notation, et pas à mes yeux non plus», a-t-il ajouté.

La France a récemment été épinglée par Bruxelles, avec six autres États membres, pour déficit excessif. Selon les règles du Pacte de stabilité, les États membres ne doivent pas avoir un déficit supérieur à 3% de leur PIB. Or, le 25 septembre, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, avait alerté sur le risque que le déficit budgétaire dépasse les 6% cette année, contre 5,1% initialement attendu.

Il s’agit d’une annonce dont se serait certainement passé Antoine Armand, le nouveau ministre français de l’Économie et des Finances. Si traditionnellement un nouveau gouvernement n’est pas tenu pour responsable du bilan de son prédécesseur, celui qui a été réélu début juillet député de la 2e circonscription de la Haute-Savoie avait déclaré, lors de la passation de pouvoir à Bercy le 22 septembre, «mesure[r] la chance d’hériter d’un tel bilan économique».