Point final au Parlement concernant le budget de la Sécurité sociale pour 2023, après le septième 49.3 de l'automne : l'Assemblée nationale a rejeté dans la soirée du 2 décembre une motion de censure de la Nupes, entraînant l'adoption définitive du texte. La motion n'a recueilli que 87 voix, loin de la majorité absolue des 288 nécessaire pour faire chuter le gouvernement. Un faible résultat pour la gauche, en cette fin de semaine où la grève SNCF a pu empêcher des parlementaires de se rendre à Paris, selon des membres de l'alliance.
Devant un Hémicycle clairsemé, Elisabeth Borne a déploré que la succession de motions de censure ait «considérablement réduit le temps utile au débat» : rien que sur ce budget, «6 motions de censure, plus qu’en trois ans pour Michel Rocard», a-t-elle tancé, passablement agacée. Premier ministre entre 1988 et 1991, le socialiste Rocard est celui qui a le plus recouru au 49.3.
La motion en discussion faisait suite au déclenchement une nouvelle fois le 30 novembre de l'arme constitutionnelle du 49.3 par Elisabeth Borne, afin de faire passer ce projet de loi sans vote. «Vous tournez comme un disque rayé», lui a lancé le 2 décembre le député LFI Manuel Bompard, sur fond d'apostrophes à gauche quant à une «fin de règne» des macronistes. «Il faut remettre la poule sur l'œuf : sans 49.3, pas de motion de censure», a rappelé Moetai Brotherson, du groupe communiste.
Assurant rechercher «sans relâche des compromis de bonne foi», le Premier ministre a proposé aux oppositions «d’engager une discussion, en transparence, sur la manière» de «discuter plus longuement du fond des textes», plutôt que de donner «le spectacle du déchirement et des débats stériles».
Ni les députés LR ni les indépendants du groupe Liot ( Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires) n'étaient présents. Le groupe RN n'a pas joint ses voix à celles de la gauche, contrairement à de précédentes fois. «Nous ne sommes pas là pour servir d'agence publicitaire» à la Nupes mais «pour l'avenir, nous ne nous interdisons rien», a prévenu son orateur Laurent Jacobelli. Le texte de la Nupes avait marqué ses distances : «Il n'y aura jamais ni complaisance ni connivence avec l’extrême droite.»
Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a lui voté pour la motion.
La gauche dénonce un «système de santé à bout de souffle»
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été approuvé juste dans les temps, à la veille de l'expiration du délai de 50 jours d'examen fixé par la Constitution. Ce projet de budget prévoit des mesures de prévention en santé (rendez-vous aux âges-clés de la vie), la hausse du prix du tabac, des dispositions anti-fraude sociale, et encore la création d'une quatrième année de stage en médecine générale «en priorité» dans les déserts médicaux.
Sont programmées également des économies, notamment de 250 millions sur les laboratoires d'analyses médicales. Ceux-ci sont en grève jusqu'à ce 3 décembre contre ce «coup de rabot» sur leurs bénéfices. Elisabeth Borne a vanté «des moyens massifs pour notre hôpital» et des mesures de protection des «plus fragiles», quand la gauche pointait du doigt «un système de santé à bout de souffle».
Les discussions ont été limitées dans l'Hémicycle, de par la succession de 49.3 actionnés parfois préventivement, et permettant au gouvernement de choisir les amendements retenus. Dominée par la droite, la chambre haute avait rejeté le 29 novembre en nouvelle lecture ce projet de budget, agacée que le gouvernement ait «balayé» ses amendements «emblématiques».
Parmi ceux-ci, l'un prévoyait un relèvement de l'âge de la retraite à 64 ans – un marqueur constant du Sénat depuis plusieurs années. Mais le gouvernement a fait le choix de proposer sa réforme dans un autre projet de loi à venir, dont les contours seront annoncés mi-décembre et qui agite fortement les esprits. «Vous avez reculé pour mieux sauter», a affirmé l'insoumis Manuel Bompard, se déclarant «prêt à la bataille» et annonçant un défilé à Paris le 21 janvier, «à l'appel de la jeunesse».
Elisabeth Borne espère, avec «Les Républicains par exemple», pouvoir «trouver un chemin», a-t-elle déclaré au journal Le Parisien.
Cette réforme controversée pourrait faire l'objet d'un projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale, ce qui permettrait d'utiliser à nouveau le 49.3 si nécessaire, début 2023. Dans l'intervalle, le Parlement doit adopter définitivement le budget 2023 de l'Etat, pour lequel la locataire de Matignon a déjà engagé sa responsabilité via le 49.3 à deux reprises.