Le président de la Banque fédérale d’Allemagne Joachim Nagel a mis en garde le 17 octobre contre le risque de politiques budgétaires pouvant alimenter l'inflation, lors d’un discours prononcé à l’Université de Harvard aux Etats-Unis.
«Bien que des mesures ciblées soient nécessaires, la politique budgétaire doit actuellement être très prudente avec les programmes de dépenses à large assise financés par le déficit», a ainsi déclaré le président de la Bundesbank.
«Dans le cas contraire, tant que les pressions inflationnistes resteront élevées, le risque existe que les politiques monétaire et budgétaire fonctionnent dans des directions opposées», a-t-il ajouté. Une façon de souligner la contradiction entre la volonté de juguler l’inflation par une hausse des taux destinée à ralentir l’activité économique et l’injection massive de liquidités visant au contraire à la stimuler.
La mise en garde du président de la Bundesbank s’appuyait sur les effets observés du gigantesque plan de relance de l’administration Biden adopté par le Congrès en août 2021 (1 200 milliards de dollars) qui aurait montré selon lui «l'effet inflationniste d'une relance budgétaire généralisée».
Un plan de soutien à 200 milliards d'euros
Mais la mise en garde prononcée depuis les Etats-Unis vaut aussi pour l’Allemagne, confrontée à un taux d’inflation de 10%, du jamais vu depuis 70 ans. Or, Berlin a annoncé fin septembre un plan de soutien aux entreprises et particuliers d’un montant de 200 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5,2 points de pourcentage de son produit intérieur brut (PIB).
Cette décision a fait grincer des dents en Europe, où beaucoup de dirigeants ont vu un soutien direct à l’économie allemande encore capable de financer de la dette supplémentaire sans payer top cher, créant une distorsion de concurrence avec les autres Etats membres.
Dissensions européennes
Ainsi, le 7 octobre, lors du sommet de Prague où se réunissaient les chefs d’Etat européens, le Premier ministre letton Krisjanis Karins a fustigé la politique allemande en déclarant : «Au prétexte qu'un pays membre est capable d'emprunter plus, il ne doit pas pouvoir subventionner davantage ses entreprises et les rendre plus compétitives que celles des voisins.»
Ce que fait l'Allemagne est juste, nous pouvons le faire car nous avons toujours veillé à la stabilité de nos finances
«Soyez solidaires ! Dans les temps difficiles il faut s'accorder sur des mesures communes et non pas sur celles qui conviennent le mieux à un pays», a abondé son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, en s’adressant à l’Allemagne.
Le chancelier Olaf Scholz, visiblement sourd à l’argument de la capacité inégale d’emprunt sur les marchés a rétorqué : «Ce que fait l'Allemagne est juste, nous pouvons le faire car nous avons toujours veillé à la stabilité de nos finances.»
Mais face à l’inflation, un consensus semble se dégager en Europe, appuyé notamment par l’Allemagne pour relever les taux directeurs et tenter de freiner une inflation attendue à 10% cette année en zone euro.
Macron pas d'accord avec Lagarde
La Banque centrale européenne s’est d’ailleurs montrée déterminée à relever davantage les taux directeurs, «pour freiner la demande», selon sa présidente Christine Lagarde citée par l’AFP, ce qui devrait se produire selon toute attente lors de la prochaine réunion de l’institution monétaire le 27 octobre.
Une analyse contestée par le président de la République française dans une interview accordée au quotidien Les Echos et publiée le 18 octobre. Emmanuel Macron s'y dit «inquiet de voir beaucoup d’experts et certains acteurs de la politique monétaire européenne nous expliquer qu'il faudrait briser la demande européenne pour mieux contenir l'inflation».
Selon le président français : «Cette inflation a d'abord été importée de l'extérieur, elle n'est pas liée à une demande trop forte.» Autrement dit, aucune raison de relever les taux. Mais le président français voit aussi d’un mauvais œil le cavalier seul budgétaire de l’Allemagne et avance : «Mais si on veut être cohérents, ce ne sont pas des stratégies nationales qu’il faut adopter mais une stratégie européenne.»