Le patron de Shell Ben van Beurden a estimé ce 4 octobre, lors d'une conférence sectorielle à Londres, que les gouvernements allaient probablement devoir taxer davantage les entreprises énergétiques pour protéger les plus pauvres face à la crise de l'énergie.
«Vous ne pouvez pas avoir un marché qui se comporte d'une telle façon [...] qui va infliger des dommages à une part importante de la société», a-t-il affirmé lors d'une séance de questions et réponses à la conférence Energy Intelligence Forum.
«D'une manière ou d'une autre, il faut une intervention gouvernementale qui se traduise [...] par la protection des plus pauvres et cela veut probablement dire que les gouvernements doivent taxer les gens dans cette pièce pour payer pour ça», a-t-il élaboré devant un parterre de cadres et dirigeants d'entreprises énergétiques.
«Je crois que nous devons accepter cette réalité sociale», a-t-il insisté, ajoutant toutefois que «cela pouvait être fait de façon intelligente ou non». Le dirigeant faisait allusion à la taxation des compagnies énergétiques à l'heure où leurs bénéfices ont flambé.
«J'ai du mal à comprendre comment un plafond des prix du pétrole russe peut être efficace»
Ben van Beurden et Shell n'ont pas fait de commentaires sur la manière adéquate de taxer les entreprises du secteur, qui est notamment monté au créneau contre un impôt spécial qui avait été décidé par le prédécesseur du Chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng et que le nouveau gouvernement conservateur de Liz Truss ne va pas étendre.
Le dirigeant, qui vient d'annoncer qu'il allait quitter ses fonctions fin 2022, s'est par ailleurs montré dubitatif face à l'idée d'un plafond de prix pour le pétrole russe souhaité par plusieurs pays occidentaux dans le cadre de la politique de sanctions visant Moscou depuis son offensive en Ukraine.
«J'ai du mal à comprendre comment un plafond des prix du pétrole russe peut être efficace», a déclaré à ce titre Ben van Beurden, toujours lors de ce forum, selon des propos relayés sur Twitter. «Intervenir sur des marchés de l'énergie complexes sera très difficile. Les gouvernements doivent consulter les experts du marché sur ce qu'ils peuvent faire ou pas en termes d'interventions», a-t-il poursuivi.
Des bénéfices records pour un champion de l’optimisation fiscale
Un plafonnement sur lequel ne se sont pas entendus les ministres européens de l’Energie le 30 septembre. En revanche, les Vingt-Sept se sont accordés sur la mise en place d’une taxation des «super-profits» de certains producteurs d’électricité ainsi que la création d’une «contribution temporaire de solidarité» qui serait réclamée aux producteurs et distributeurs d’hydrocarbures. Les recettes issues de ces prélèvements pourraient, selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, être reversés aux ménages et entreprises confrontées à l’explosion de leurs factures.
Depuis le début de la crise énergétique, les entreprises pétrolières affichent des bénéfices records. Au second trimestre 2022, Shell a réalisé un bénéfice de 18 milliards de dollars, soit presque autant que pour la seule année 2021 déjà considérée comme fastueuse.
Ces dernières années, la major pétrolière a défrayé la chronique pour la performance de son optimisation fiscale. En novembre 2018, le quotidien néerlandais Trouw révélait que cette entreprise britannique siégeant à La Haye n’avait pas payé un centime d’impôt aux Pays-Bas en 2017, malgré ses 13 milliards d’euros de bénéfices.
Quelques mois plus tôt, en juin 2018, le même média révélait que Shell avait, depuis 2005, fait transiter pas moins de 45 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires par le paradis fiscal de Guernesey, évitant ainsi de régler une ardoise fiscale de 7,5 milliards d’euros aux Pays-Bas.