Afrique

Quand les pesticides interdits en Europe empoisonnent les terres nigérianes

Des substances dangereuses fabriquées par des firmes européennes, mais bannies sur le continent, se fraient pourtant un chemin vers des marchés africains peu contrôlés. Au Nigeria, la société civile tente de proposer des lois pour bannir les pesticides nocifs pour la santé tout en assurant la rentabilité agricole.

Selon une enquête publiée le 3 décembre par Bloomberg, des dizaines de produits chimiques fabriqués par des entreprises européennes, pourtant interdits d’utilisation dans l’agriculture de l'Union européenne, en raison de leurs liens présumés avec des cancers ou des maladies neurologiques, sont largement utilisés dans les champs africains. En 2020, quelque 438 000 tonnes de pesticides et d’herbicides ont été importées sur le continent, soit une hausse de deux tiers par rapport à 2018.

Au Nigeria, plus de la moitié des produits présents sur le marché seraient classés « extrêmement dangereux » et près de 40 % d’entre eux sont prohibés en Europe, selon l’Alliance pour l’action contre les pesticides au Nigeria (AAPN).

Pour l’Association médicale nigériane, les agriculteurs restent dépendants des engrais et des pesticides pour maintenir leurs rendements, tandis que les autorités cherchent à concilier protection des cultures et santé publique. Le vice-président de l’association, Ushakuma Anemga, recommande de sensibiliser les agriculteurs et les distributeurs à l’usage sécurisé de ces substances, d’imposer une application stricte des interdictions et de lutter contre les contrefaçons.

Vers une élimination progressive ?

L’AAPN, qui fédère plus de 80 organisations de la société civile, déplore l’absence d’une base de données actualisée sur les produits agrochimiques autorisés : la précédente a été fermée, et seules subsistent quelques listes gouvernementales partielles. « Notre objectif est de dénoncer et de stopper l'importation et la vente de pesticides extrêmement dangereux », affirme son coordinateur, Donald Ikenna Ofoegbu.

Le Parlement nigérian examine actuellement deux textes : l’un prévoit la création d’un Conseil des pesticides, l’autre renforce le rôle des fabricants dans la régulation — une orientation jugée trop permissive par l’AAPN. L’organisation prépare sa propre proposition de loi, visant à consolider les agences de contrôle et à instaurer un calendrier d’élimination progressive des pesticides dangereux, afin de mieux protéger la population tout en garantissant la viabilité économique du secteur agricole.