Le Mali et le Niger ont signé ce 16 mai à Niamey une série de protocoles d’accord visant à approvisionner les régions du nord malien en carburant. Ces zones, notamment Gao, Kidal, Tombouctou et Ménaka, subissent depuis plusieurs semaines de graves pénuries à la suite de la fermeture de la frontière algérienne. Cet accord énergétique est présenté comme une réponse solidaire dans le cadre de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Selon Le Sahel, la Société Nigérienne de Pétrole (SONIDEP) a signé un partenariat direct avec plusieurs opérateurs économiques maliens, en présence des ministres en charge du Commerce, de l’Industrie et du Pétrole des deux pays. Le ministre nigérien Abdoulaye Seydou a déclaré : « Conformément à la devise de l’AES, un espace, un peuple, un destin. Avec le Mali, nous sommes le même peuple », soulignant la portée politique de cette coopération.
La situation au nord du Mali s’est considérablement aggravée après un incident diplomatique impliquant un drone malien détruit par l’Algérie. Cette tension a entraîné un arrêt du commerce informel de carburant qui alimentait habituellement les régions frontalières, faisant grimper le prix du litre d’essence jusqu’à 2 000 FCFA contre une moyenne nationale de 775 FCFA.
Des engagements logistiques ambitieux mais sous contrainte sécuritaire
L’accord conclu prévoit des livraisons régulières jusqu’au 31 décembre 2025, avec un engagement sur les quantités et les prix. « Des accords ont été trouvés à la fois non seulement sur la quantité, mais aussi sur le prix », a précisé Moussa Alassane Diallo, ministre malien de l’Industrie et du Commerce, cité par RFI le 17 mai.
Malgré cette avancée, des incertitudes subsistent. D’une part, la SONIDEP ne couvre actuellement que la moitié des besoins nationaux nigériens, le reste étant assuré par le Nigeria et les importations via Lomé. D’autre part, la situation sécuritaire dans les zones frontalières, notamment à Tillabéri, reste instable. Les convois précédents ont déjà fait l’objet d’attaques, et les transporteurs réclament des garanties avant toute opération de grande ampleur.
Le ministre malien a rassuré les acteurs du secteur, affirmant que toutes les mesures nécessaires seraient prises pour sécuriser les livraisons. À ce jour, une première livraison de 40 citernes a déjà atteint Gao sous escorte militaire.
Un geste fort de solidarité régionale dans une logique d’émancipation
Un précédent accord en 2024 prévoyait déjà la fourniture de 150 millions de litres de gasoil à l’entreprise publique EDM-SA, mais avait souffert d’un manque d’exécution. Face à cette méfiance, les autorités ont affiché une volonté ferme de faire aboutir le nouveau protocole. Le prix négocié pour le gasoil serait de 328 FCFA le litre, bien en dessous des prix actuels sur le marché malien.
L’accord est aussi un symbole fort d’un Sahel qui cherche à se libérer de la dépendance aux circuits extérieurs. En affirmant que « le nord du Mali est une neuvième région », le Niger renforce l’unité sahélienne promue par l’AES. La coopération énergétique devient ainsi un levier de solidarité et de souveraineté, dans un contexte de pression internationale et d’isolement diplomatique.
Pour les populations du nord malien, souvent oubliées par les canaux officiels, cet engagement nigérien représente une promesse de soulagement concret, à condition que la logistique suive. En attendant, le carburant reste rare, et chaque goutte compte.