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Immigration : l'accord de 1968 est «principalement en faveur de la partie française», affirme Alger

La prise de décision récente du ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, prônant le conditionnement de la politique des visas à la délivrance de laissez-passer consulaires, a suscité des réactions à Alger, notamment du président Abdelmadjid Tebboune et de Salah Goudjil, président du Conseil de la Nation.

«Le fait d'exploiter la question migratoire à des fins politiciennes et s'attaquer spécifiquement et injustement à l'immigration en provenance d'Algérie, démontrerait clairement la décadence politique qui touche une partie et non pas l'ensemble de la classe politique française», a mis en avant Salah Goudjil, le président du Conseil de la Nation d’Algérie, dans une contribution publiée le 10 octobre par plusieurs titres de la presse locale.

La question des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et celle de la délivrance des visas aux Algériens par les autorités françaises ont fait couler beaucoup d'encre tant dans les quotidiens français qu’algériens.

Début octobre, le Premier ministre français Michel Barnier et son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ont évoqué, séparément, leur souhait de conditionner la délivrance de visas pour les ressortissants de certains pays à l'octroi par ces derniers de laissez-passer consulaires, sésames à la bonne exécution des OQTF.

Si l'Algérie n'a pas spécifiquement été nommée par le chef du gouvernement français qui a parlé «d'ouvrir une discussion avec les pays concernés par des accords bilatéraux conclus de longue date», celle-ci s'est sentie visée, dans la mesure où l'Algérie est l'un des rares pays avec lesquels la France a signé un tel accord.

«Une propagande démagogique et populiste» à l’encontre de la communauté algérienne

Un accord signé fin décembre 1968, définissant les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France, qu'a rappelé Salah Goudjil. 

«Certains cercles politiques français considèrent que cet accord est plus avantageux pour la partie algérienne en raison de son caractère dérogatoire au cadre juridique commun régissant la question migratoire en France», a-t-il noté, selon des propos rapportés par l’agence APS, soulignant que «parmi eux, on trouve ceux qui réclament ainsi sa révision et d'autres demandent carrément son abrogation».

Le responsable algérien a alors dénoncé des politiciens «sans vision politique sérieuse» qui à ses yeux «n'hésitent pas à instrumentaliser les effets des crises socioéconomiques en incriminant injustement les communautés immigrées dans une propagande démagogique et populiste en visant particulièrement la communauté algérienne établie légalement sur le sol français».

«Seulement, ils omettent tous de souligner que cet accord a déjà été révisé en 1985,1994 et 2001, lui ôtant ainsi sa raison d’être», a poursuivi Goudjil. Selon ce dernier, l'accord serait même «principalement en faveur de la partie française depuis sa signature jusqu'à nos jours».

«Cet accord a été conclu sur la demande insistante de la partie française qui a toujours été bénéficiaire de l'apport des Algériennes et des Algériens, et cela s'étend depuis l'époque de l'immigration des ouvriers jusqu'à l'immigration dite choisie, promue selon une approche sélective ces dernières années en France, en encourageant l'arrivée de talents et de diplômés de haut niveau, sans aucune contrepartie pour l'Algérie», a-t-il dénoncé.

Dans le même contexte, Goudjil a souligné que le chef d'État algérien Abdelmadjid Tebboune avait mentionné cet accord franco-algérien lors d'un entretien télévisé le 5 octobre. Une intervention durant laquelle le président a estimé que cet accord serait devenu «un étendard derrière lequel marche l'armée des extrémistes de droite en France».