Afrique

La médaille olympique de la gymnaste Kaylia Nemour célébrée en Algérie, regrettée en France

«Elle aurait pu représenter la France» : que des regrets dans la presse française après que la jeune Algérienne Kaylia Nemour a offert à son pays et à son continent la première médaille d'or de son histoire en gymnastique. La championne olympique représente l'Algérie depuis 2022 après un imbroglio avec la fédération française de la discipline.

La France s'en mord les doigts. La gymnaste franco-algérienne Kaylia Nemour, qui avait choisi de représenter les couleurs de l’Algérie, est entrée dans l’histoire des Jeux olympiques en offrant à son pays et à son continent la première médaille d’or de leur histoire en gymnastique. La gymnaste de 17 ans a décroché la médaille d’or aux barres asymétriques le 4 août.

Son exploit, plébiscité par tous les médias du pays maghrébin et au-delà, n’a pas eu le même effet sur la presse de l’Hexagone. En France, le regret d’avoir laissé filer un tel talent, qui se lisait déjà entre les lignes dans la presse française bien avant cette médaille, est désormais exprimé franchement et sans détour.

«Kaylia Nemour, la médaille d’or dont la gym française a décidé de se priver», titre notamment 20 minutes. «La plus grande frustration de la gym française», surenchérit Libération. L’Algérienne «aurait pu représenter la France», regrette Le Figaro, alors que TF1 rappelle, non sans une pointe d’amertume, qu’elle était «formée en France».

Les médias français «ne lâchent pas Kaylia Nemour»

Dans ses titres, la presse française n’a pas manqué, d’ailleurs, de mettre l’accent sur les liens de la championne olympique avec l’Hexagone : «ex-grand espoir de la gym française», pointe le Point, «ex-pépite de l’Equipe de France», reformule France Live, alors que France Bleu va jusqu’à s’interdire de mentionner ses origines algériennes : «la Tourangelle», s’est borné à la nommer le média français en référence à sa ville natale Tours.

Mais au fait, «pourquoi la championne olympique et Française Kaylia Nemour représente l’Algérie ?», cherche à comprendre Ouest-France. En raison d’ «un incroyable imbroglio», a répondu RMC, rappelant qu’un litige juridico-médical qui avait opposé en 2021 la gymnaste à la fédération française de la discipline était à l’origine de sa décision de défendre les couleurs de l’Algérie. A la suite d'une poussée de croissance ayant fragilisé ses genoux, la fédération française avait enjoint l'athlète à un repos forcé, ce qu'elle avait refusé. 

«Rejetée par la France, Kaylia Nemour est un cadeau tombé du ciel pour l’Algérie», a polarisé le Courrier international qui tente la métaphore, alors que le journal spécialisé L’Equipe a résumé en un seul titre fleuve : «Comment la gymnaste Kaylia Nemour, formée en France puis en conflit avec la Fédération, a fini par gagner l'or pour l'Algérie.»

De l’autre côté de la Méditerranée, la presse algérienne a célébré à l’unisson la médaille d’or de la jeune gymnaste, en se concentrant sur son exploit sportif «historique», tant pour le pays que le continent, tout en relevant qu’elle était soutenue dans les gradins tant par les supporters algériens que français. Les journaux algériens ont raillé au passage les «délires» des médias français, qui, décidément, «ne lâchent pas Kaylia Nemour», comme le souligne TSA.

Polémiques extra-sportives

Kaylia Nemour, née en France en 2006 d’un père français et d’une mère algérienne, a été sacrée championne de France aux barres asymétriques en 2021, avant de décider de représenter les couleurs de l’Algérie après un litige avec la fédération française de la discipline.

Son sacre olympique intervient au moment où une grosse polémique vise depuis plusieurs jours sa compatriote la boxeuse Imane Khelif autour de son hyperandrogénie, plusieurs voix l’accusant d’être «biologiquement un homme» alors qu’elle concourt en compétition féminine.

La médaille d’or de Kaylia Nemour intervient également dans le contexte de polémiques extra-sportives entre la France et l’Algérie en marge de ces JO, comme le fut le cas lors de la cérémonie d'ouverture quand la délégation algérienne a jeté des roses dans le fleuve, en hommage aux victimes du massacre du 17 octobre 1961.

Le tout sur fond de début d’une crise diplomatique majeure entre Paris et Alger depuis l’annonce le 30 juillet par Macron du soutien de la France à la marocanité du Sahara occidental suivie par la décision de l’Algérie de retirer son ambassadeur.