Depuis près d’une décennie, tous les rapports élaborés par les experts mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies ont pointé de l’index la montée en puissance du soutien de Kigali à la rébellion du M23 qui sévit actuellement dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. Cependant, un récent rapport de l’ONU a démontré l’implication d’un autre pays africain, l’Ouganda.
«Un support actif», a conclu le rapport onusien consulté par RFI, qui souligne un transit sans limite des troupes du M23 et de l’armée rwandaise par voie terrestre ougandaise. «Une présence importante et visible» qui, selon l'ONU, n’aurait pas pu passer sous les radars du renseignement de l'Ouganda, ce qui démontre ainsi le soutien de certains officiers de l’armée et du CMI, les renseignements militaires.
Le soutien ougandais ne se limiterait pas au passage frontalier, ont encore affirmé les experts dans leur document : des responsables du mouvement armé se seraient aussi rendus en Ouganda.
Le chef militaire du mouvement M23, Sultani Makenga, a été signalé plusieurs fois cette année à Entebbe et dans la capitale ougandaise, tandis que le chef de la branche politique, Corneille Nangaa, a résidé un temps à Kampala, où il a rencontré des représentants de certains groupes armés congolais.
Montée en puissance de Kigali en RDC
Dans ce rapport semestriel, les experts définissent en détails la montée en puissance de l’aide militaire du Rwanda. En janvier dernier, au moins 1 000 soldats rwandais (RDF) ont franchi, d’après le même document, la frontière au niveau de Kibumba, dans le territoire du Rutshuru. Un contingent venu se joindre à ceux déjà présents dans la région dite le «petit Nord».
Alors que les experts mettaient le point final à leur rapport, entre 3 000 et 4 000 RDF se seraient ainsi déployés dans les territoires du Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, en plus de l’effectif du M23 estimé à 3 000 combattants militaires, avec un équipement de pointe et des véhicules blindés équipés de radars et de missiles sol-air.
Les experts ont également noté que cette montée en puissance n’avait absolument pas été freinée par les multiples condamnations internationales, notamment celles des États-Unis, de la France et de l’Union européenne, qui avaient demandé entre février et mars dernier aux M23 de retirer ses troupes de RDC. En avril, le Conseil de sécurité des Nations unies avait également condamné «le support militaire étranger au M23».
L’Alliance du fleuve Congo
Le rapport en question fut le premier rendu public depuis l’annonce de la création de l’Alliance du fleuve Congo de l’ancien président de la Commission électorale congolaise sous l’ère de Joseph Kabila, Corneille Naanga. Les experts sont revenus sur le processus de création de ce mouvement politico-militaire, avec notamment les nombreux déplacements dans la région des Grands Lacs des différents responsables, a rapporté la même source.
Le compte-rendu de l’ONU a également noté que le M23 et le gouvernement rwandais considéraient l’émergence de l’AFC comme «une opportunité de légitimer le M23 et ses réclamations, tout en diminuant le rôle du Rwanda dans la crise».
Au Sud-Kivu, l’Alliance continue de recruter d’autres partenaires. Des leaders de groupes armés ont ainsi été approchés par l’AFC, ce qui a contribué, selon le même rapport, à occasionner «des tensions entre et au sein des groupes armés au Sud-Kivu au cours des derniers mois».
Les Allied Democratic Forces, un des groupes les plus meurtriers
L’intensification des activités du groupe ADF (Allied Democratic Forces), avec des attaques principalement contre des civils au Nord-Kivu et en Ituri, a été évoquée dans le rapport de 45 pages.
Les ADF qui se trouvent actuellement en RDC ont été qualifiés par les auteurs onusiens de groupe armé le plus meurtrier, près de 1 000 victimes ayant été recensées en 2023.
Exploitation militaire des enfants
Les experts ont en outre constaté la montée de l’exploitation des enfants-soldats dans les conflits à l’est de la RDC. «Le recrutement d’enfants a atteint un niveau alarmant au début de l’année 2024», ont-ils affirmé. C’est principalement dans le Nord-Kivu que les belligérants utilisent des enfants-soldats dans les différents camps.
«Des enfants de 12 ans ont été recrutés dans presque tous les camps de réfugiés au Rwanda» pour être envoyés dans des camps d'entraînement en zone rebelle, sous la supervision de militaires rwandais et des agents du M23, a indiqué l’ONU dans son rapport.
«Les recrues âgées de 15 ans et plus ont été formées au combat et envoyées sur les lignes de front», est-il précisé. Le recrutement de mineurs au Rwanda est effectué par des agents du renseignement, à travers «de fausses promesses d'argent ou d’emploi». Ceux qui s'y opposent sont «emmenés de force», affirme encore le document onusien.