Immigration : l'Europe passe à table
Les ministres de l'Intérieur des «28» se réunissent mardi au Luxembourg pour débattre de la «stratégie pour la migration» imaginée par Bruxelles. Aucun accord ne devrait être entériné alors que la crise s'aggrave.
Le ministre de l'Intérieur italien n'y va pas quatre chemins. Selon Angelino Alfano, les dizaines de migrants qui campent sur les rochers de Vintimille sont «un coup de poing dans la figure de l'Europe». Alors que la Commission européenne espérait faire démarrer dès le 1er juillet le premier volet de son plan d'urgence migration, les «28» pourraient, eux, décider...de ne rien décider.
La solidarité européenne à l'épreuve de la réalité
Il est peu dire que le projet, présenté par Bruxelles en mai, sur une meilleure répartition des demandeurs d'asile et des réfugiés au sein de l'Union européenne fait grincer quelques dents.
Dans ce plan, il est ainsi envisager de «relocaliser» en urgence 40.000 demandeurs d'asile syriens et érythréens arrivés sur les côtes européennes mais également de «réinstaller» au sein de l'UE environ 20.000 réfugiés qui se trouvent, eux, actuellement en dehors des frontières de l'Europe. Chaque pays devra prendre sa part avait estimé la Commission européenne en dévoilant ses quotas de répartition imaginés pour soulager les Italiens et les Grecs, en première ligne dans cette crise migratoire.
Population, PIB, taux de chômage, nombre de demandeurs d'asile déjà présents sur le territoire: les données qui ont permis d'élaborer les «clés de répartition» seront au coeur des débats mardi au Luxembourg. Car en effet de nombreux pays les contestent.
Si les pays Baltes ont rapidement dénoncé «les calculs erronés» de la Commission, deux poids-lourds européens, l'Allemagne et la France ont également émis des doutes. En effet Berlin et Paris devraient plaider mardi pour une révision des quotas, mais Jean-Claude Juncker, y serait, selon l'AFP, assez opposé.
EU needs, and should welcome, more migration at all skill-levels. #Zeid at #HRC29
— UN Human Rights (@UNrightswire) June 15, 2015
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Il y a donc très peu de chance de voir les «28» parvenir parvenir à s'entendre sur cette question sensible de l'immigration. Et faute d'accord au Luxembourg, l'examen du plan pourrait donc être repoussé au mois de septembre, selon plusieurs sources diplomatiques.
Un aveu d'échec terrible pour l'Europe à l'heure où la pression migratoire se fait de plus en plus forte, et notamment en Italie.
Le plan B de Matteo Renzi
Agacé par les tergiversations de ses homologues européens, visiblement peu disposés à se montrer solidaires dès qu'il s'agit de flux migratoires, le chef du gouvernement italien a lâché une petite bombe dimanche soir dans les colonnes du Corriere della Sierra. Matteo Renzi a ainsi menacé: «Si l'Europe choisit la solidarité, c'est bien. Si elle ne le fait pas, nous avons un "plan B" tout prêt. Mais qui frapperait surtout l'Europe en premier».
Around 140 #migrants are currently staying in Red Cross tents just next to Rome's #Tiburtina train station pic.twitter.com/YaduM3DuOx
— Julián Miglierini (@julianmig) June 15, 2015
Les Italiens, qui ont déjà enregistré près de 60.000 arrivées de migrants depuis le début de l'année, exigent également une modification de la Convention de Dublin qu'ils estiment injuste (elle oblige en effet les réfugiés à demander l'asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l'UE). C'est d'ailleurs en vertu de ce traité, que la France refoule en ce moment les migrants à la frontière italienne de Vintimille, créant depuis plusieurs heures une mini-crise diplomatique.
«Que se passe-t-il à Vintimille ? Il y a la nécessité de faire respecter les règles de Schengen et de Dublin. Quelles sont ces règles ? Lorsque des migrants arrivent en France, qu'ils sont passés par l'Italie et qu'ils ont été enregistrés en Italie, le droit européen implique qu'ils soient réadmis en Italie», a expliqué le ministre français de l'Intérieur bernard Cazeneuve.
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Faute d'une réponse européenne forte mardi 16 juin, Rome pourrait mettre ses menaces à exécution, et délivrer par exemple des dizaines de milliers de permis de résidence aux réfugiés africains leur permettant ainsi de pouvoir librement circuler dans l'espace Schengen. Une mesure que l'Italie avait déjà prise en 2011 pendant les Printemps arabes.
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Dans l'entourage du président de Jean-Claude Juncker, on se veut offensif. «Nous avons mis sur la table une proposition ambitieuse portant sur un mécanisme de réinstallation. Nous savions qu'elle ne remportait aucun prix de popularité [...] Il ne suffit pas de pleurer sur les gros titres des journaux et d'appeler l'Europe à agir» a ainsi déclaré la porte-parole de la Commission européenne, Natasha Bertaud.
Reste à savoir si les pays de l'Union européenne vont prendre leur responsabilité ou bien verser des larmes de crocodile.