Partis d'Afrique, les migrants accostent à Strasbourg
Alors que les pays de l'Union européenne peinent à s'accorder pour accueillir les milliers de migrants débarqués en Italie et en Grèce, plusieurs associations organisent une opération symbolique intitulée : «un bateau vers le Parlement européen».
Un rafiot de migrants traversant le très chic quartier «Européen» de Strasbourg: une image toute symbolique qui vise à alerter les institutions européennes (et les citoyens) sur le sort des réfugiés. A l'initiative de cette opération, on retrouve plusieurs grandes associations, telles que la Cimade, Attac ou encore Welcome to Europe.
En bateau pneumatique vers le Parlement européen. Manif pour la solidarité avec les migrants en Méditerranée. pic.twitter.com/kCFieIClOd
— ACB (@acb_eu) 10 Juin 2015
Bien loin des creux de la mer Méditerrannée, c'est sur les eaux tranquilles de l'Ill que les réfugiés naviguent en ce moment. Leur but ? Parcourir les quelques centaines de mètres qui séparent la Cour européenne des Droits de l'Homme au Parlement européen.
Belle action pour lier la CEDH et le Parlement europeen à Strasbourg. Solidarités avec les migrants! pic.twitter.com/92Uu61eF9z
— Karima Delli (@KarimaDelli) 10 Juin 2015
5000 arrivées par semaine
Un voyage sans encombre pour cette poignée de migrants, bien loin du drame quotidien qui se joue en ce moment en Méditerranée. Selon les chiffres donnés par le Haut Commisariat aux Réfugiés (HCR), plus de 100.000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe depuis le début de l'année par la Méditerranée.
Les associations du collectif «Un bateau vers le Parlement Européen» évoquent quant à elles, le chiffre de 5.000 arrivées par semaine sur les côtes italienne et grecque. Interrogée par «20 minutes», Hatem Gheribi de Watch The Med s'agace sur le rôle de Frontex, l'opération conjointe menée en mer par l'UE: «Frontex ne sauve pas de vie, [elle ]ne fait que du contrôle et terrorise les migrants (...) 19.000 migrants [ont été ] secourus par des cargos en Méditerranée entre novembre 2014 et avril 2015 contre seulement 1.700 par les bateaux de Frontex». Des associations qui demandent surtout aux Européens de prendre leur responsabilité face à l'urgence.
Plan immigration européen: rien avant septembre
Le problème c'est que les pays européens, eux, ne semblent pas très pressés de donner leurs feux verts à l'application du programme d'immigration imaginé par la Commission le mois dernier. Ce plan, qui prévoit entre autre de soulager l'Italie et la Grèce grâce à la répartition immédiate par quotas de 40.000 demandeurs d'asile entre les différents pays de l'UE, ne fait pas l'unanimité. Loin de là.
«C'est dur à vendre aux opinions publiques» dit une source diplomatique européenne
Ainsi, selon plusieurs sources européennes, la réunion prévue les 15 et 16 juin prochain entre les ministres de l'Intérieur des «28» risque fort de déboucher...sur aucun accord. Pire, ces derniers pourraient même repousser l'échéance à la rentrée de septembre. «C'est dur à vendre aux opinions publiques (...) Je ne vois pas comment ceci peut être conclu avant septembre» décrypte une source diplomatique européenne pour l'AFP. Un camouflet pour la commission européenne qui espérait bien faire démarrer le premier volet de son programme (le partage en urgence des 40.000 demandeurs d'asile) dès le 1er juillet.
Les quotas qui ne passent pas
En effet, depuis plusieurs semaines, de nombreuses voix s'élèvent au sein de l'UE pour dénoncer cette répartition par quotas. A commencer par la France, qui après avoir applaudi des deux mains les propositions de Bruxelles a fait rapidement machine arrière. Manuel Valls, en visite dans les Alpes-Maritimes avait ainsi affirmé que les quotas «n'avaient jamais correspondu aux propositions françaises».
La France doit s'opposer fermement à toute politique de #quotas, la priorité doit être la lutte contre l'#immigration illégale.
— Eric Ciotti ن (@ECiotti) 27 Mai 2015
Le Royaume-Uni, lui, n'a jamais caché pas son opposition au principe de répartition. Ainsi, dès le début des discussions à Bruxelles, la ministre britannique de l'Intérieur, Theresa May, avait déclaré «Les migrants qui traversent la Méditerranée pour tenter de rejoindre l'Europe devraient être renvoyés».
Grogne également dans les Pays Baltes, où les gouvernements respectifs dénoncent les calculs erronés de la commission européenne. La Lituanie et la Lettonie ont ainsi annoncé que le nombre de migrants suggéré par Bruxelles était «beaucoup trop élevé».
Idem en Hongrie, où le Premier ministre Viktor Orban vient ainsi de lancer une campagne anti-migrants assez offensive. Dans un questionnaire envoyé à ses 8 millions d'électeurs, il interroge: «Certaines personnes pensent que la mauvaise gestion des questions d'immigration par Bruxelles et la propagation du terrorisme sont liées. Êtes-vous d'accord?»
Le nombre de réfugiés a bondi de 2.000 en 2012 à 43.000 en 2014, et à Budapest, des affiches pullulent désormais : «Si vous venez en Hongrie, vous ne pouvez pas prendre le travail des Hongrois».
#Hongrie Le pouvoir #hongrois en campagne contre l'immigration - TV5MONDE - Informations http://t.co/fdoyXk9GCr
— Mardishongrois (@Mardishongrois) 10 Juin 2015
Le parti de Viktor Orban vient d'ailleurs d'annoncer qu'il travaillait sur une loi interdisant aux réfugiés ayant transité par des pays jugés sûrs, tels que la Grèce ou la Serbie, de demander un statut de réfugié politique en Hongrie...un projet qui entre en totale contradiction avec le plan de «solidarité» imaginé par Bruxelles.