Migrants dispatchés aux quatre coins de l’Europe : Bruxelles en alloue 9127 à la France
La commission européenne a dévoilé dans le détail, mercredi 27 mai, son plan pour une répartition plus juste des demandeurs d'asile en Europe ainsi que des réfugiés de l'ONU. La France devra sur deux ans accueillir plus de 9000 migrants.
Officiellement, on ne parle plus de «quotas» mais de «clé de répartition». Une différence sémantique qui a son importance, tant on connaît les crispations des différents Etats concernant le projet de la Commission européenne de mieux répartir les demandeurs d'asile et les réfugiés au sein de l'Union.
Ainsi, comme prévu, et sans tenir compte des gesticulations politiques des uns et des autres, la Commission a donc présenté mercredi 27 mai dans le détail son plan pour l'immigration en Europe.
9127 demandeurs d'asile et réfugiés
La France est ainsi invitée à accueillir sur son sol, 6752 demandeurs d'asile sur les 40 000 migrants syriens et érythréens arrivés en 2014 sur les côtes italienne et grecque. S'ajoute à ce nombre: 2375 réfugiés (sur les 20 000 reconnus par l'ONU) qui ne sont eux pas arrivés en Europe mais qui vivent dans des camps après avoir fui leurs pays. En tout, la France pourrait donc recevoir, sur deux ans, 9127 demandeurs d'asile et réfugiés.
La «clé de répartion» imaginée par Bruxelles tient compte de la population du pays d'accueil, de son taux de chômage, son PIB, le nombre de demandeurs d'asile et de réfugiés déjà présents.
Réfugiés, demandeurs d'asile, migrants : de quoi parle-t-on exactement ?
Depuis que la Commission européenne a dévoilé, début mai, ses intentions d'établir des «quotas» de demandeurs d'asile et de réfugiés pour soulager l'Italie et la Grèce, qui font face à un afflux sans précédent de migrants, le débat fait rage dans beaucoup de pays européens.
Ainsi, la France après s'être félicitée par la voix de son ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve de ce projet «inspiré par des propositions faites par la France» semblait faire marche arrière quelques jours plus tard. Le ministre de l'Intérieur, en visite à Menton déclarait ainsi : «Je suis contre l'introduction de quotas de migrants. Ceci n'a jamais correspondu aux propositions françaises. En revanche, l'Europe doit avoir une politique de l'asile et la France a entrepris de réformer la sienne pour la rendre plus efficace».
Mais, il s'agissait surtout ici pour Manuel Valls de calmer les inquiétudes de l'électorat, bientôt récupérées par l'opposition, quant à une vague possible d'immigration dite économique.
"La plupart des personnes veulent rester dans leur pays sauf lorsque celui-ci est en guerre" @ybertoncini@Europe1#E1MIDI#migrants#quotas
— Delors Institute (@DelorsInstitute) May 27, 2015
Car parmi les migrants arrivés sur les côtes italienne et grecque, il y a en effet ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugié et donc demander l'asile (car ils ont fui un pays en guerre par exemple) et ceux qui souhaitent mettre un pied en Europe dans l'espoir d'une vie meilleure. Mais ces derniers, les migrants économiques, n'ont jamais été concernés par le plan bruxellois.
Seuls les potentiels réfugiés (c'est-à-dire ceux qui peuvent solliciter l'asile) seront répartis en Europe ainsi que les réfugiés déjà repérés par l'ONU (et dont le statut a déjà été prouvé) vivant dans des camps en dehors de l'Europe, au Liban par exemple pour les Syriens.
On parle alors de relocalisation, pour les demandeurs d'asile, et de réinstallation pour les réfugiés qui n'ont pas encore atteint l'Europe.
Ce plan européen de répartition implique donc qu'un «tri» soit opéré en Italie et en Grèce afin de voir qui parmi les migrants arrivés sur les côtes est susceptible de formuler une demande d'asile. Enfin, certains pays s'interrogent sur la pertinence de «répartir» des demandeurs d'asile dans des pays où ils n'avaient pas l'intention de s'installer au départ, faute de famille pour les accueillir ou même par choix.
La France a t-elle «déjà fait beaucoup», comme l'affirme le Premier ministre ?
Dans le projet présenté par la Commission, chaque pays restera libre, in fine, d'accorder ou non l'asile aux demandeurs accueillis sur son sol.
«La France a déjà fait beaucoup, avec 5.000 réfugiés syriens accueillis et 4.500 réfugiés irakiens depuis 2012» déclarait Manuel Valls à Menton.
Pourtant selon les chiffres de 2014, l'hexagone fait partie des nations les moins généreuses en Europe. Selon d'Eurostat, l'agence européenne de statistiques, sur 68 525 demandes d'asile faites en France, seules 14 905 ont reçu une réponse positive en première instance. Soit 21,7%, très loin derrière la Bulgarie (94% de réponses postives), la Suède (76,8%), les Pays-Bas (70%) ou encore l'Allemagne, qui se situe dans la moyenne européenne avec 41,7 %de réponses positives, et ce alors qu'elle a reçu bien plus de demandes d'asile que la France (97 275).
Financement, accords : quelles suites ?
Le commissaire européen pour l'Immigration, Dimitris Avramopoulos, a déclaré que 450 millions d'euros avaient été réunis pour financer ces nouvelles mesures migratoires européennes (6 000 euros seront par exemple alloués aux pays par demandeur d'asile accepté).
Le projet devra maintenant être présenté aux ministres de l'Intérieur des différents pays de l'UE le 15 juin, avant d'être soumis le 30 juin aux dirigeants européens lors d'un sommet.
Ce plan risque d'être très débattu d'ici là. L'Irlande et le Royaume-Uni, deux pays possédant un droit d'option «opt-in», ne participeront à l'effort européen que s'ils le veulent. Le Danemark avec son «opt-out» n'est pas concerné.