Opérations navales en Méditerranée : les stratégies de communication de l’UE exposées par Wikileaks
WikiLeaks a publié deux documents secrets qui dévoilent les détails du plan européen d’intervention contre les réseaux de passeurs migratoires en Libye ainsi que les manières de gérer les risques pour sa réputation en cas de dommages collatéraux.
Le 18 mai, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UE se sont mis d’accord pour organiser une mission navale en Méditerranée qui viserait les groupes criminels responsables du passage illégal des migrants de la Libye vers l’Europe.
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Un des documents classifiés publié par Wikileaks lundi révèle les détails de l’opération militaire qui durera un an selon les prévisions de Bruxelles. Le document de 11 pages, dressé par les ministres de la Défense de l’UE, décrit les plans de destruction des navires concernés le long de la côte libyenne, en visant en même temps l’infrastructure et les réseaux de transport sur le territoire libyen.
RELEASE: Classified EU plan for military intervention against refugee boats in #Libyahttps://t.co/AUrCEdbcK1pic.twitter.com/j351QYjeFc
— WikiLeaks (@wikileaks) 26 Mai 2015
Le second document, un avis consultatif de six pages du Groupe politico-militaire de l’UE sur l’intervention militaire, présente des recommandations sur la lutte contre les réseau du trafic humain en Méditerranée et propose des initiatives propagandistes sur les moyens de convaincre l’opinion publique de la nécessité de cette mesure.
Les recommandations des ministres de la Défense se sont focalisés sur la nécessité pour les pays de l’UE d’établir «tout un éventail de mesures de renseignement» et de mettre en oeuvre des «efforts systématiques en vue d’identifier, capturer et détruire des navires avant qu’ils soient utilisés par les trafiquants».
Les chefs militaires rassemblés au comité militaire de l’Union Européenne http://t.co/eDzP4WImDzpic.twitter.com/I56oFD7XyC
— Defense.gouv (@Defense_gouv) 20 Mai 2015
Dans ce contexte, le Comité militaire de l'Union européenne (CMUE) souligne l’importance de la création d’un cadre d’échange d’informations et «de coordination de l’utilisation des ressources militaires» entre les partenaires de Bruxelles dans la région (et notamment par le biais de la Capacité unique d'analyse du renseignement (SIAC) du Service européen pour l'action extérieure).
Concernant l’emploi de la force, le CMUE a souligné la nécessité d’établir des règles d'engagement, surtout lorsqu’il s’agit de la «saisie de navires refusant d’obtempérer, pour la neutralisation des navires et des actifs des trafiquants, pour les situations spécifiques tels que le sauvetage des otages et pour la détention temporaire de ceux qui représentent une menace ou sont soupçonnés de crimes».
Les auteurs du document divulgué reconnaissent que l’opération doit être soutenue par une stratégie médiatique précise qui éviterait «la focalisation sur la nécessité de sauver les migrants et se concentrerait sur le fait que le but de l’opération est de démanteler les réseau du trafic migratoire».
"Il vaut mieux que l’#UE favorise un #Etat fort en #Libye que recourir à la #force" #migrants
http://t.co/0vn2VElT93pic.twitter.com/h7u1pLGNTO
— RT France (@RTenfrancais) 20 Mai 2015
Alors que le projet mentionne la Libye et ses voisins du Nord de l’Afrique en tant que cibles de cette stratégie médiatique, il prévoit aussi les risques de la publicité internationale négative «au cas où une perte de vie serait attribuée à l’action ou à l’inaction des forces de l’UE».
En vue de dispenser les commandants d’opération d’une responsabilité individuelle pour «des actions exécutées sous leur commandement» et de prévenir les préjudices à «la réputation de l’UE», le document estime nécessaire d’avoir «des cadres légaux et des protocoles stricts en vigueur avant le lancement de l’opération».
Dans le même temps, les auteurs reconnaissent que «les modalités définitives de l’intervention militaire ne sont pas clairement définies» et recommandent que l’UE publie d’autres documents consultatifs, soulignant la nécessité d’éviter toute déstabilisation du processus politique ou autre «dommage collatéral» en Libye qui pourront aboutir à des perturbations «de l’activité économique légitime».
"L'#UE doit travailler en partenariat avec les autorités de #Libye pour lutter contre les passeurs" #Migrantspic.twitter.com/3MKG0V8IZr
— La France dans l´UE (@RPFranceUE) 11 Mai 2015
Alors que ces dossiers secrets montrent que le but véritable de l’opération est de combattre le trafic des migrants et pas prévenir les pertes humaines, le document consultatif du Groupe politico-militaire de l’UE reconnaît que la recherche et le sauvetage, «tout en étant hors des buts essentiels de l’opération», doivent être conduits en conformité avec le droit international.
Par ailleurs, le dernier document fait remarquer que la visibilité des forces navales de l’UE près de la côte nord-africaine pourrait avoir un «effet contreproductif» sur la prévention du trafic de migrants, notant que le «modèle économique des trafiquants s’y adaptera sans aucun doute».