8 décembre : les blindés de la gendarmerie avaient-ils vraiment une «arme secrète» ?
Selon un article de l'hebdomadaire Marianne, «la police avait une arme secrète» le 8 décembre à Paris, arme qui aurait été embarquée à bord des blindés de la gendarmerie. RT France a vérifié cette information auprès de policiers de terrain.
L'hebdomadaire Marianne a publié le 10 décembre un article faisant état d'une «arme secrète» détenue par «la police» et convoyée par les blindés à roues de la gendarmerie déployés le 8 décembre dans les rues de la capitale. Il s'agissait, à en croire le magazine, «d’une réserve de liquide incapacitant» et de préciser : «Un dispositif radical qui ne devait servir qu'en dernier recours.»
Marianne ajoute que, selon la source de la publication qui serait «haut placée» dans le dispositif policier, «la pulvérisation de ce liquide sur une foule de Gilets jaunes aurait été capable de "les arrêter net, mettant les gens à terre, même avec des masques". Chaque engin aurait pu "neutraliser" une surface de plusieurs terrains de football…»
Interrogé par RT France, un policier de compagnie d'intervention et de sécurisation, qui était sur le terrain pendant les dernières manifestations à Paris et qui se dit lui-même «passionné de matériel», émet quant à lui quelques réserves : «C'est bien un gaz incapacitant qui peut être diffusé. Il a un nom bizarre mais nous, on l'appelle simplement "lacrymogène". Pour moi ça relève du fantasme cet article. La composition diffère d'un matériel et d'un fabricant à l'autre, mais pas tant que ça. Ils en rajoutent pour faire peur... ça rentre bien dans la logique "méchante police" versus "gentils casseurs" et si la police n'est pas exempte de reproches, c'est clairement monté en épingle.»
Double effet, donc, pour ce policier qui précise ensuite ses propos : la préfecture et le ministère de l'Intérieur ont mis l'accent sur les mesures dissuasives, afin de faire peur. Par ailleurs, la polarisation du face à face entre forces de l'ordre et les Gilets jaunes a été accentuée, selon lui, par le gouvernement qui chercherait ainsi à décrédibiliser le mouvement.
L'article de Marianne ne précisant pas la nature de «l'arme secrète» en question, on ne peut que supposer qu'il s'agit d'un gaz lacrymogène différent de celui qui est traditionnellement utilisé par les forces de l'ordre françaises lors des émeutes, à savoir le gaz «CS» (2-chlorobenzylidène malonitrile).
Plusieurs sources policières et militaires s'étaient étonnées auprès de RT France, en amont de la mobilisation des Gilets jaunes du 8 décembre, de l'utilisation de ces blindés de la gendarmerie pas forcément adaptés à un contexte de violences urbaines. L'article de Marianne explique en partie cet usage, en dehors de l'effet de sidération probablement recherché.
Un article du Figaro publié ce 11 décembre quelques heures après celui de RT France confirme en grande partie les dires de la source policière de RT France : «"Il n'y a pas d'arme secrète", coupe-t-on à la gendarmerie. Les véhicules blindés à roue de la gendarmerie [...] ne dispersent pas de "liquide incapacitant". Il s'agit d'un produit lacrymogène que l'on trouve sous forme de poudre mélangée avec de l'air comprimé dans des bonbonnes. Lorsqu'il est utilisé, ce gaz incolore est actionné par un levier et sort par l'avant du véhicule via une ouverture prévue à cet effet. Quant à ses effets, "ils sont identiques à ceux produits par les grenades lacrymogènes : ils irritent les yeux et les voies respiratoires", nous précise-t-on. Mais ils ne mettent personne "à terre" étant donné que "des masques protègent du gaz", ajoute un gendarme sous couvert d'anonymat.»
Antoine Boitel